Calmer le jeu en France

Face aux violences communautaires dues aux événements au Proche-Orient, des voix s’élèvent pour rappeler la nature politique du conflit.

Ingrid Merckx  • 22 janvier 2009 abonné·es

Lire aussi : Un patriotisme unanime

Contagion ? Les répercussions en France des derniers événements au Proche-Orient ont pris un tour tel que certains n’ont pas hésité à parler « d’importation du conflit ». Depuis l’offensive israélienne du 27 décembre, 67 actes de violence ont été répertoriés, dont des attentats contre des synagogues et des agressions de jeunes d’origine maghrébine. Le 15 janvier, les membres musulmans de l’Amitié judéo-musulmane de France (AJMF) ont démissionné en reprochant à leurs homologues juifs leur silence face aux « crimes de guerre ». Et les diverses manifestations contre les massacres à Gaza ont été émaillées d’incidents. Des voix s’élèvent contre l’effritement du dialogue. « Gaza, refusons toute instrumentalisation communautaire », déclare la Ligue des droits de l’homme (LDH) dans un communiqué du 13 janvier. « Contre la culture de la haine, nous choisissons le vivre-ensemble », annonce un texte signé par une vingtaine d’associations, dont l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), Droit de cité et Ni putes ni soumises. L’enjeu : « réaffirmer qu’il s’agit d’un conflit politique et non d’un conflit ethnique ou religieux » . Vrai ! Mais la tentation existe chez certains de prévenir tout incident en interdisant, au moins moralement, les manifestations de soutien aux Palestiniens.

Illustration - Calmer le jeu en France

Refuser toute instrumentalisation communautaire Hertzog/AFP

« Trois actes inacceptables ont été commis à l’encontre de synagogues à Toulouse et à Saint-Denis, et contre une collégienne à Villiers-le-Bel. Ces actes sont heureusement des faits isolés » , rappelle la LDH. Et n’ont rien d’inédit. La deuxième Intifada avait été le théâtre de semblables affrontements. « Mais, aujourd’hui, l’empathie pour Gaza se complexifie, analyse Esther Benbassa, directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales. Il ne faut pas, du fait de l’OPA sur les médias du Conseil représentatif des institutions juives de France [Crif], sous-estimer l’antisémitisme actuel. De même, l’islamophobie atteint une dimension nouvelle. La solidarité avec les Palestiniens ne doit pas être confondue avec une solidarité avec le Hamas. » « On note une forme plus nette de la présence de l’Islam dans les manifestations de soutien aux Palestiniens » , remarque aussi le sociologue Michel Wieviorka
[^2].

Face à cela, les autorités françaises arborent des images de rabbins et d’imams s’embrassant. « Du spectacle, s’indigne Esther Benbassa. Ce conflit n’est pas religieux ! » Même écho de la LDH, « la réaction des autorités françaises qui s’en remettent à des instances religieuses pour prévenir la violence n’est ni admissible sur le terrain de la laïcité ni de nature à prévenir les dangers qu’elles invoquent » . Michel Wieviorka n’est, au contraire, « pas choqué de voir les pouvoirs publics encourager tous ceux qui veulent calmer le jeu, y compris les instances religieuses » . Car les auteurs de violences intercommunautaires ne sont pas, selon lui, « pris en charge par ces instances ». Et d’estimer que le camp de la paix n’est pas menacé en France si l’on considère non les violences mais l’état de l’opinion. Témoin, ce sondage CSA pour le Parisien du 12 janvier, qui stipule : « Les Français sont partagés. » « Concernés » par la guerre de Gaza, ils ne se laisseraient pas « emporter par les passions ».
Reste que, pour Esther Benbassa, « le dialogue ne peut se faire que dans un espace laïcisé. Cette guerre, ce n’est pas nous qui l’arrêterons, mais il y a urgence à mettre en place une véritable pédagogie contre la confusion : les mômes qui s’identifient aux victimes savent-ils seulement de quoi ils parlent ? »

[^2]: Michel Wieviorka a dirigé, entre autres, l’ouvrage collectif la Tentation antisémite (Robert Laffont).

Société
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

Tour de France : Franck Ferrand, commentateur réac’ toujours en selle
Médias 11 juillet 2025

Tour de France : Franck Ferrand, commentateur réac’ toujours en selle

Cette année encore, France Télévisions a reconduit Franck Ferrand aux commentaires en charge du patrimoine lors du Tour de France. L’historien, très contesté, fan de Zemmour et de thèses révisionnistes, n’hésite pas, insidieusement, à faire passer ses idées.
Par Pierre Jequier-Zalc
La CGT et le Tour de France : quand sport et luttes se marient bien
Luttes 11 juillet 2025

La CGT et le Tour de France : quand sport et luttes se marient bien

Si le Tour de France est avant tout un événement sportif, il permet aussi à des luttes sociales et politiques de mettre en avant leur combat. Comme lundi dernier, à Dunkerque pour sauver les emplois d’ArcelorMittal.
Par Pierre Jequier-Zalc
« Ils parlent d’échange de migrants comme si les personnes étaient des objets »
Entretien 11 juillet 2025 abonné·es

« Ils parlent d’échange de migrants comme si les personnes étaient des objets »

Alors qu’un accord d’échange des personnes exilées a été trouvé entre la France et le Royaume-Uni, Amélie Moyart, d’Utopia 56, revient sur les politiques répressives à la frontière et le drame qui a conduit l’association à porter plainte contre X pour homicide involontaire.
Par Élise Leclercq
Terrorisme d’extrême droite : derrière le site d’AFO, Alain Angelini, soutenu par le RN en 2020
Enquête 10 juillet 2025 abonné·es

Terrorisme d’extrême droite : derrière le site d’AFO, Alain Angelini, soutenu par le RN en 2020

L’homme, alias Napoléon de Guerlasse, est l’administrateur du site Guerre de France, qui servait au recrutement du groupe jugé pour association de malfaiteurs terroriste. Militant d’extrême droite soutenu par le parti lepéniste aux municipales de 2020, son absence au procès interroge.
Par Pauline Migevant