Science et société, enfin le dialogue !

Lionel Larqué  et  Fabien Piasecki  • 22 janvier 2009 abonné·es

Les sciences et les technologies sont au cœur du processus industriel et consumériste. Donc du capitalisme. Mais, si surprenant que cela puisse être, le mouvement altermondialiste ne s’est en jamais vraiment préoccupé. Des poussées d’urticaire le grattouillent quand on aborde les OGM ou la brevetabilité du vivant, et une montée des préoccupations écologiques est indéniable. Mais à cela une raison : ces sujets touchent de près le monde paysan, politisé et organisé, qui pratique depuis les années 1960 la convergence entre enjeux corporatistes et choix de société. Rien de tel chez les scientifiques. Les besoins en capitaux de ce secteur sont tels, leur alliance avec le complexe militaro-industriel si puissante, que les institutions scientifiques ont toujours, depuis la Révolution française, été du côté du manche. Ce qui en fait une corporation mal armée pour aborder la question du capitalisme, y compris financier.

Pour autant, nous faisons plusieurs hypothèses. Que l’inquiétude dans le monde de la recherche est d’un niveau plus que critique à l’échelle mondiale, et qu’il ne demande qu’à s’agréger en force de proposition et d’innovation. Que la pression de la mondialisation néolibérale a désormais atteint les principes et l’éthique de ces professions, où une large majorité silencieuse ne se satisfait pas de cet état de fait. Ce contexte a rendu plausible la tenue du premier Forum mondial sciences et démocratie. Cette idée date du FSM de Nairobi en 2007
[[Le groupe de coordination français est composé notamment de : Fondation Sciences citoyennes, Crid,
Espace Marx, Vecam, Vivagora, FSU, FMTS, Sauvons la recherche, Fondation France Libertés, Snes-Sup.]]. De nombreuses discussions avec les milieux de la recherche ont démontré que les divergences de position entre ONG et acteurs de la recherche méritaient mieux que des opinions arrêtées et des invectives. On ne construira pas d’avenir sans une évolution du monde de la recherche, dans ses fondations et ses paradigmes, ni une gouvernance plus « démocratique ». Ainsi, plusieurs syndicats de chercheurs à travers la planète, des mouvements sociaux comme Sauvons la recherche, des ONG indiennes, européennes, brésiliennes, canadiennes ou états-uniennes se réuniront à Bélem pour un dialogue politique entre acteurs de la recherche et ONG. Une première.

Et les questions sont nombreuses. Comment démocratiser les choix scientifiques ? Quel contrôle des technologies émergentes ? Quelle recherche dans un monde durable ? Quels rapports entre connaissances scientifiques et savoirs populaires ? Quelle place pour les universités ? Quelle défense du statut de bien public des savoirs ? Quelle refondation de l’éthique de responsabilité des chercheurs ? Sur ce sujet, désignons, par exemple, le rôle édifiant des mathématiciens dans la complexification des produits dérivés sur les marchés financiers. À ce jour, seul l’économiste Frédéric Lordon a mis les pieds dans le plat. Tout en plaçant le dialogue au cœur des débats, nous n’occulterons pas ceux qui fâchent : ni l’évolution des paradigmes scientifiques en biologie, qui fleure le retour de l’eugénisme des années 1930, ni les critiques contre-productives d’acteurs de la société civile à l’endroit des chercheurs, qui ne créent pas les conditions d’une sortie des enjeux technoscientifiques par le haut.

En octobre 2008, au Forum social européen de Malmö, nous avons vérifié qu’un processus ouvert et non hiérarchique était engagé, où chercheurs et citoyens pouvaient échanger librement. Un bon point de départ. Mais, évidemment, nous ne partons pas de rien. L’évolution du débat public en France comme l’émergence des procédures participatives à travers le monde constituent des pistes politiques d’avenir. Un consortium comme celui du Giec sur le climat démontre que la communauté scientifique peut s’ouvrir en interne à des innovations planétaires. Pour l’heure, les cercles économiques et politiques font de la contre-résistance. Un point central des discussions de Belém.

Écologie
Temps de lecture : 3 minutes

Pour aller plus loin…

En amont des municipales, L214 alerte sur l’hécatombe des animaux
Reportage 13 octobre 2025 abonné·es

En amont des municipales, L214 alerte sur l’hécatombe des animaux

Lors d’une action dans 35 villes françaises, samedi 11 octobre, L214 a affiché des compteurs d’animaux tués pour l’alimentation. L’objectif : interpeller les candidat·es aux prochaines élections municipales dans le cadre de leur campagne, le Sauvetage du siècle.
Par Caroline Baude
Mégacanal : l’imposture écologique d’un « aquarium de béton »
Reportage 10 octobre 2025

Mégacanal : l’imposture écologique d’un « aquarium de béton »

Le canal Seine-Nord Europe devrait voir le jour dans les Hauts-de-France en 2030. Un chantier colossal, qui a un impact sur les terres agricoles et les ressources en eau.  
Par Vanina Delmas
Agro-industrie : comment le mégacanal attire une usine d’engrais chimique
Reportage 10 octobre 2025 abonné·es

Agro-industrie : comment le mégacanal attire une usine d’engrais chimique

Dans la Somme, l’arrivée de l’usine FertigHy, destinée à fabriquer de l’engrais chimique dit « bas carbone », inquiète les élus locaux et les riverains. Un projet qui coïncide avec le chantier du Canal-Nord-Seine-Europe, lui aussi contesté.
Par Vanina Delmas
Lutte contre les pesticides : « On a l’impression que tout est fait pour que ça traîne »
Entretien 16 septembre 2025 libéré

Lutte contre les pesticides : « On a l’impression que tout est fait pour que ça traîne »

L’Anses et Santé Publique France ont publié une nouvelle étude sur les pesticides. Mais elle ne s’intéresse pas aux liens avec les pathologies, pourtant primordial. Entretien avec Pierre-Michel Périnaud, président de l’association Alerte des médecins sur les pesticides.
Par Caroline Baude