Bible scientifique

Jens Harder met en images la création du monde et de la vie. Stupéfiant.

Marion Dumand  • 19 février 2009 abonné·es

Qui ne connaît le big-bang ? L’importance de l’eau dans l’apparition de la vie ou encore les théories de Darwin, toujours contestées alors qu’on célèbre le bicentenaire de sa naissance ? Mais ces notions ne sont pour beaucoup d’entre nous que de simples souvenirs scolaires, presque des coquilles creuses, tant elles brassent de savoirs scientifiques, tant elles se dérobent à la visualisation. Pour remédier à cette ignorance, battre froid le créationnisme, il faut lire Alpha… directions.
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Bible scientifique, bande dessinée volumineuse, l’ouvrage de Jens Harder restitue l’incroyable épopée de la Terre depuis l’apparition de l’univers jusqu’à celle de l’hominidé. *« Représenter plus de 14 milliards d’années en à peine 350 pages relève de la plaisanterie,
note-t-il. Avec à peu près 2 000 dessins, cela nous fait en moyenne une image tous les sept millions d’années. »
Attention, Alpha… directions n’a rien de rébarbatif. Au contraire. On y plonge, happé par le premier « miracle ». Un point minuscule se déploie sur la double page, explose, irradie : ça y est, la matière existe. Les autres sidèrent tout autant. Création de la terre, arrivée de la première pluie, du premier continent, de la première bactérie s’enchaînent selon un ordre chronologique. Non seulement on comprend ce qui préside à ces débuts grâce à un texte discret et concis, mais surtout on voit les phénomènes, jusqu’alors aussi obscurs que peuvent l’être les termes « explosions cambriennes » ou « édiacarien ».

En fait, Alpha… directions pourrait être un thriller, un thriller scientifique, existentiel. Le suspense lancinant repose sur un constat pourtant simple : comment chaque étape, à la probabilité déjà réduite, débouche sur la suivante, tout aussi folle. Cette tension est renforcée par des « coups du sort », des événements imprévus. Plusieurs fois, la vie a quasi disparu de la terre – et pas seulement les dinosaures. Plusieurs fois, elle s’est accrochée, améliorée, adaptée, livrant un bestiaire hallucinant.

Pour échapper à toute aridité, Jens Harder mêle à ses projections d’autres images. Certaines rendent concrets un mécanisme ou sa conséquence : un mineur se juxtapose ainsi à l’apparition de la houille. D’autres reviennent sur la préoccupation humaine constante, celle de nos origines. Des représentations religieuses, des cosmogonies de tout temps, de tout lieu, intriguent par une certaine perspicacité, d’autres amusent par leur naïveté. Toutes soulignent que le mi­racle de la vie est moins question de croyance que de possibilités innombrables, sans jamais trancher sur l’existence d’un Dieu.
Si l’ambition est énorme, Jens Harder reste modeste. Il apporte des précisions sur le contenu du livre, mouvant comme l’est la recherche scientifique, et obéissant à ses lois propres de bandes dessinées. « Les théories et les connaissances les plus diverses ont présidé à l’élaboration de ces pages, explique Jens Harder, e t elles ne correspondent pas toujours aux derniers résultats de la recherche ; je les ai choisies, de mon point de vue subjectif, pour leur probabilité et leur fort potentiel visuel. » Aussi espère-t-il que d’autres auteurs compléteront son entreprise : représenter un monde qui ne s’est pas créé en six jours mais en 14 milliards d’années.

Culture
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