À quoi ça leur sert ?

Éric Hazan  • 16 avril 2009 abonné·es

Le montage politique-policier qui a permis les inculpations de Tarnac suscite de nombreuses interrogations dont l’une, essentielle, n’est presque jamais posée : pourquoi ceux
qui dirigent la police et la justice de
ce pays se sont-ils lancés dans une telle entreprise, pourquoi ont-ils pris le risque de se retrouver là où ils sont aujourd’hui, n’ayant plus à choisir qu’entre l’odieux et le ridicule ?

À cette question, on peut proposer deux réponses. La première tient à la nécessité de peaufiner l’image de l’ennemi intérieur. C’est que le paysage social change : les fermetures d’usines, les licenciements massifs, l’université en ébullition, les manifestations violentes créent un climat où l’ennemi intérieur qu’on pourrait dire traditionnel, la menace islamiste, ne suffit plus à créer assez d’inquiétude pour justifier l’arsenal répressif. Il faut autre chose, il faut démontrer que l’« ultragauche » – pure invention policière – va profiter de la situation et se lancer dans la lutte armée comme dans les années 1970 en Italie et en Allemagne. Mais là, pas de chance : le dossier est vide, la ferme du Goutailloux est sans doute l’une des seules en Corrèze où il soit impossible de trouver même un fusil de chasse.

Deuxièmement, cette affaire est une opération test : comment détruire un lieu mental et matériel considéré comme dangereux. Les inculpés de Tarnac ne formaient pas un groupe et encore moins une cellule, une mouvance ou une nébuleuse, pour reprendre les mots des journalistes embedded . C’étaient des amis qui réfléchissaient en commun et menaient leur vie en accord avec leurs idées. Huit sur neuf sont aujourd’hui en liberté conditionnelle, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent ni se déplacer, ni se rencontrer, ni se parler au téléphone (sous écoute), ni travailler, puisque la plupart sont parqués loin de chez eux. Presque autant que Julien Coupat à la Santé, ils sont neutralisés.
À nous de faire que ce test soit lui aussi un échec, pour éviter que ne se généralise ce mode sinistre de contrôle des populations.

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Gaza, trois mois après
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