Contre le « capitalisme vert »

Paul Ariès  • 30 avril 2009 abonné·es

La loi Grenelle 1 même pas encore adoptée, Tsarkozy veut enfoncer le clou avec Grenelle 2. Les gauches, les milieux écologistes, les antiproductivistes et les objecteurs de croissance sous-estiment encore la gravité de ces mauvais coups. Non, les Grenelle 1 et 2 ne sont pas seulement des « mascarades vertes » mais expriment la volonté d’adapter la planète et les humains aux besoins du productivisme, que ce dernier soit bleu, rose, rouge ou vert. Ses partisans se sentent désormais suffisamment forts pour montrer leur vrai visage : celui d’un « capitalisme vert ».
On n’a jamais autant entendu autant parler de « croissance propre », « verte » et d’ « écocroissance » depuis que Borloo Ier a manœuvré l’opinion publique. Le « développement durable » qui est à l’ordre du jour n’est même plus celui du gentil Hulot et des ONG complices ou dupées (« polluer moins pour pouvoir polluer plus longtemps »), mais celui d’une alliance historique entre les milieux d’affaires, les techno-scientistes et la droite. Ce « capitalisme vert » marque le retour de la foi béate dans la techno-science en faisant oublier au passage des catastrophes technologiques comme Bhopal, Tchernobyl ou l’amiante. Puisque les problèmes seraient de nature technique, les solutions seraient aussi techniques : manipulation du climat, développement des puits de carbone, pollinisateurs artificiels, nanorobots, aliments ionisés, etc. Tout est prêt : les capitaux, les fantasmes (culte de la toute-puissance, d’un monde sans limites), les connaissances scientifiques, notamment avec la « révolution NBIC ». Ses chantres ne cessent de le clamer : il faudrait passer « d’une écologie dénonciatrice et culpabilisatrice à une écologie réparatrice » (Allègre), « un peu de croissance pollue, beaucoup dépollue » (Parisot).

Tout sera fait plutôt que de renoncer à la domination des uns sur les autres et de tous sur la planète. Tout, y compris avancer vers un véritable démontage de l’espèce. Certains fantasment déjà sur le passage des OGM aux humains génétiquement modifiés (HGM), tandis que se prépare le tri des embryons humains. D’autres, comme Attali, rêvent d’aller vers des transhumains. Tout sera fait plutôt que de remettre en cause les logiques et les acteurs économiques. Le capitalisme vert a déjà remporté une solide victoire : les firmes, un temps montrées du doigt, deviendraient les meilleurs agents de l’écologie en reléguant les militants aux oubliettes. Ce « capitalisme vert » repose ainsi sur la fusion de l’écologie et de l’économie capitaliste : ses solutions consistent à marchandiser la pollution et à avancer vers une monnaie carbone.

Les deux années passées depuis le premier contre-Grenelle prouvent que nous avions raison. Le Grenelle était bien sarko-compatible, mais le sarkozysme ne sera jamais écolo-compatible. Le journal la Tribune le dit avec délectation : « Le vert vaut de l’or. Green is business », avant d’ajouter : « un Grenelle juteux pour les entreprises ». Le nouveau contre-Grenelle que nous organisons (1) entend donc aller encore plus loin dans la dénonciation du « capitalisme vert » et dans les alternatives. À l’initiative du journal la Décroissance, il sera l’un des grands rendez-vous unitaires d’avant les européennes, puisque le Front de gauche, le NPA, des écologistes, des objecteurs de croissance, des membres d’Utopia, des élus, des syndicalistes et des militants associatifs engageront le débat pour dire trois fois « non » : non au bradage de l’écologie politique sous couvert d’une ouverture aux écologistes de marché ; non aux capitulards du développement durable, même maquillés en défenseurs d’une nouvelle régulation capitaliste ; non aux tartufes de l’écologie médiatique qui pillent le vocabulaire de la décroissance et de l’antiproductivisme sans jamais parler une seule fois d’anticapitalisme. Nous serons aussi à Lyon pour dire trois fois « oui ». Oui à un autre partage du gâteau : la première des décroissances doit être celle des inégalités ; oui à un vrai débat démocratique dans la clarté : on ne changera pas le monde dans la confusion idéologique et avec les transnationales comme partenaires ; oui à une autre Europe démocratique où chaque pays soit capable de relocaliser ses activités économiques.
(1) Samedi 2 mai, 9 h-18 h, salle Victor-Hugo, 33, rue Bossuet, 69006 Lyon. Inscriptions : www.contre-grenelle.org

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