Espoir à gauche de la gauche

Denis Sieffert  • 3 septembre 2009 abonné·es

Si l’on en juge par les comptes rendus, voilà donc le Parti socialiste requinqué. Pendant trois jours, les langues de vipère se sont tues. Et sur les photos à demi posées des caciques au milieu de leurs courtisans, les visages sont hilares. Quant à « Martine », elle s’est finalement imposée dans son rôle de sainte patronne de la tribu. Dans la fameuse série de livres pour enfants (un peu passés de mode, il est vrai), c’était la réédition de Martine apprend à nager. Et cela, au milieu des crocodiles qui guettaient un faux mouvement sous l’écume médiatique d’une opération « primaires » rondement menée. Si la Première secrétaire n’avait pas obtempéré, les « rénovateurs » (dénomination plus avenante pour les mêmes reptiles carnivores) n’auraient pas tardé à lui faire un mauvais sort. Plutôt que d’aller contre le courant, Martine Aubry a donc préféré l’accompagner. Sans zèle excessif, c’est le moins que l’on puisse dire.

Va donc pour des primaires ! Mais, comme on ignore tout de cette nouvelle pierre philosophale censée sauver le parti d’une mort certaine, la concession ne l’engage que modérément. Au-delà des apparences, le Parti socialiste reste menacé par deux périls : l’immobilisme, en effet, qui le condamne à une déchéance lente mais certaine ; et sa transformation en parti démocrate centriste, allié fusionnel du MoDem et de la droite des Verts. Dans cette seconde hypothèse, la machine électorale serait certes sauvée – et c’est visiblement ce qui importe le plus aux partisans d’une primaire étendue –, mais la formation politique qui résulterait de cette transformation n’aurait plus grand-chose à voir avec la gauche.
Le préjudice serait donc considérable. On accroîtrait la personnalisation de la politique, et on accentuerait le primat de l’élection présidentielle sur tous les autres scrutins. Il va sans dire que ce mode opératoire induirait mécaniquement un glissement vers la droite. Dans tous les cas, il est donc plus prudent d’investir nos espoirs (c’est l’investissement le plus précieux en ces temps de crise) à gauche de la gauche. De ce côté-là aussi, c’était la grande semaine des universités d’été. Ils étaient cinq cents au Vieux-Boucau avec les communistes, trois cent cinquante à Aubagne, où se réunissait la toute jeune Fédération pour une alternative sociale et écologique, trois cents à Clermont-Ferrand pour les « remue-méninges » du Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon. La prime de la participation revenant, comme l’an dernier, au NPA et aux Verts. Les premiers ont rassemblé mille cinq cents militants et sympathisants à Port-Leucate, et les seconds près de deux mille à Nîmes (voir Politis de la semaine dernière). Voilà, selon nous, les acteurs d’une vraie recomposition à gauche. Notre credo, celui que nous avions exprimé dans notre Appel de Politis en mai 2008, reste celui de la plus grande unité possible.

Sous quel label ? Peu importe ! Les querelles de préséance ou d’antériorité ne doivent plus avoir cours, tant les impératifs sociaux et écologiques imposent l’urgence. Il nous semble aujourd’hui que le meilleur instrument pour ce rassemblement, c’est le Front de gauche. La proposition de Jean-Luc Mélenchon d’un « front durable », sorte de « pacte » (nous reprenons ici le mot que nous avions employé dans notre appel) entre toutes les forces citées plus haut, doit être examinée par tous. Il s’agirait d’envisager dans un même élan les régionales, la présidentielle et les législatives, et, bien sûr, des attitudes communes face aux échéances sociales. Pour cela, le PC doit s’inscrire dans la continuité de sa stratégie des européennes. C’est, semble-t-il, le vœu de la direction. En espérant que les « barons » locaux qui joueront un autre jeu seront le moins nombreux possible. La Fédération, qui regroupe communistes unitaires, Alternatifs et comités antilibéraux, et dont la réalité et la représentativité ne sont plus contestables, semble prête à s’engager dans la bonne voie. Tout comme elle revendique légitimement de participer aux groupes de travail que Marie-George Buffet propose de mettre en place.

La question est plus délicate pour le NPA, toujours rétif à l’idée de s’associer à des forces qui pourraient ensuite renverser leur alliance au bénéfice d’un PS « modemisé » plus que modernisé. Le risque existe toujours, quelle que soit la sincérité des principaux acteurs du Front de gauche. Mais, précisément, c’est par son engagement que le NPA le réduira au maximum. Plus complexe encore est le problème du positionnement des Verts, tirés à hue et à dia entre la stratégie centriste de Cohn-Bendit et une majorité de militants ancrés à gauche (voir à ce sujet l’entretien avec Cécile Duflot). Pour eux, la question ne se pose pas immédiatement. On ne saurait cependant les laisser hors de ce débat. La réussite d’une telle entreprise suppose, pour les uns, la fermeté de l’engagement ; et, pour les autres – PCF, PG, Gauche unitaire –, le respect des identités politiques de leurs nouveaux partenaires. Si nous pouvons aider à réfléchir à toutes les formes de ce rassemblement, nous le ferons. Les « Assises pour le changement » que nous allons proposer à tous pour les 7 et 8 novembre (et dont nous reparlerons la semaine prochaine) s’inscriront évidemment dans cette logique.

Une analyse au cordeau, et toujours pédagogique, des grandes questions internationales et politiques qui font l’actualité.

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