Le don, un marché qui rapporte

Le gouvernement encourage par un arsenal législatif le recours aux dons de particuliers et d’entreprises. Un système qui justifie le désengagement de l’État vis-à-vis de ses missions d’intérêt général. Une philanthropie lucrative pour les investisseurs mais génératrice d’inégalités.

Thierry Brun  • 29 octobre 2009 abonné·es
Le don, un marché qui rapporte

En cette période de crise, les associations et fondations, caritatives ou non, font face aux besoins croissants de solidarité en multipliant les appels à la générosité dans leur traditionnelle collecte de dons. Pour la plupart, il s’agit aussi de compenser la baisse des subventions publiques en s’adressant à la générosité privée, particulièrement à celle des grandes fortunes et des entreprises.

Le gouvernement de François Fillon encourage cette philanthropie étroitement liée à l’enrichissement, mais aussi à l’accroissement des inégalités. De récentes lois permettent ainsi de poursuivre une politique néolibérale de transfert de ressources de l’État vers le secteur privé sous couvert d’éthique. L’action caritative devient un « investissement social » utilisé par les principaux acteurs de l’économie, qui attendent un « retour sur don » dans de nouvelles structures, comme des fondations universitaires, hospitalières, partenariales et des fonds de dotation.

Cette nouvelle philanthropie fait bon ménage avec la logique capitaliste et s’appuie sur les nombreuses mesures fiscales favorables aux grandes fortunes et aux entreprises. Inspirée du modèle anglo-saxon, elle connaît un essor sans précédent en France et passe aux oubliettes le discours compassionnel porté par les icônes de la solidarité. Elle s’attaque au « caractère universel des prestations sociales au profit de dotations conditionnelles, individualisées et soumises à la concurrence, dont les pratiques philanthropiques sont une forme spécifique » , résume le sociologue Nicolas Guilhot.
Les vagues successives de libéralisation des services publics ont préparé le terrain à cette nouvelle conception du don. La vocation philanthropique de l’entrepreneur fortuné se substitue progressivement aux acteurs publics. La crise aidant, les choix politiques du moment font que de riches investisseurs s’affichent en garants de la morale… et de leur légitimité.

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