Le pari risqué d’Abbas

Le président de l’Autorité palestinienne convoque les élections générales contre l’avis du Hamas.

Denis Sieffert  • 29 octobre 2009 abonné·es

Le Président palestinien, Mahmoud Abbas, n’a jamais eu jusqu’ici la réputation d’un audacieux. C’est pourtant un coup d’audace qu’il tente en annonçant la tenue des élections générales palestiniennes pour le 24 janvier 2010, sans l’accord du Hamas. Cette date correspond en fait à l’échéance normale de la précédente législature, ­quatre ans après le succès du Hamas. Mais le pari est risqué alors que les deux principaux mouvements, le Fatah et le Hamas, ne sont toujours pas parvenus à un accord dans le cadre de la tentative de médiation égyptienne. Le mouvement islamiste a d’ailleurs immédiatement qualifié d’ « illégal et anticonstitutionnel » le décret électoral du président Abbas, accusé d’être un « usurpateur ».
Le Hamas appuie son argumentation sur le fait que le mandat présidentiel est déjà échu depuis dix mois, Mahmoud Abbas ayant été élu en janvier 2005. Du côté de l’Autorité, on rappelle que ce mandat avait été prolongé d’un an afin, précisément, de faire coïncider l’élection présidentielle et les législatives. Un politologue palestinien cité par l’AFP, Hani Al-Masri, estime que la décision du président de convoquer les élections relève d’une « tactique politique » destinée à contraindre le Hamas à ratifier le document de « réconciliation nationale » que le Fatah a déjà signé.

Dans un discours, samedi, devant le comité central de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) réuni à Ramallah, Mahmoud Abbas a affirmé qu’il ferait « tout pour obtenir un accord de réconciliation nationale dans l’intérêt du peuple palestinien » . Une position qui n’a pas toujours été la sienne. Il n’est d’ailleurs pas sans responsabilités dans le refus actuel du Hamas, qui a voulu protester contre l’accord donné par le président palestinien aux États-Unis pour différer l’examen du rapport Goldstone par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Ce rapport, accablant pour Israël après l’offensive contre Gaza en décembre et janvier derniers, a finalement été adopté par ce conseil après que Mahmoud Abbas eut été contraint à une volte-face et à se désolidariser des États-Unis en raison de l’émotion provoquée par cette décision dans l’opinion palestinienne. Cet ­obstacle à la ratification par le Hamas de l’accord « de réconciliation nationale » a donc été levé. Mais le mouvement islamiste pose une autre condition loin d’être exorbitante : l’assurance que le résultat des prochaines élections sera reconnu par la communauté internationale. L’étonnant est qu’il faille le préciser. C’est hélas un fait que la victoire à la régulière du Hamas en janvier 2006 n’a jamais été totalement admise par les États-Unis et l’Union européenne ; et, au fond, pas vraiment non plus par l’Autorité palestinienne.

Si le mouvement islamiste en venait cependant à signer ce document de « réconciliation » parrainé par l’Égypte, un délai pourrait être donné pour commencer à le mettre en œuvre. Les élections générales pourraient alors être reportées au mois de juin. Dans le cas inverse, le coup de poker d’Abbas pourrait tourner au désastre historique pour les Palestiniens. L’organisation d’un double scrutin dont le Hamas ne voudrait pas dans la Bande de Gaza – contrôlée par le mouvement islamiste depuis juin 2007 – entérinerait sur le plan institutionnel la fracture entre les deux territoires palestiniens. C’est l’avenir même d’une discussion sur le statut final d’un État palestinien qui serait compromis, à la grande satisfaction d’Israël, dont c’est la stratégie depuis le démantèlement des colonies juives par Ariel Sharon, en août et septembre 2005.

La hâte du président palestinien peut aussi être motivée par des sondages qui donnent le Fatah largement vainqueur du Hamas (40 % contre 19 %) si des élections avaient lieu aujourd’hui. Des chiffres modérés par un autre sondage concernant, celui-ci, l’élection à la présidence : Mahmoud Abbas (Fatah) et Ismaïl Haniyeh sont donnés au coude à coude (18,6 % contre 18 %). Mais que valent ces sondages si le Hamas ne participe pas aux élections, faute d’accord préalable, et si la population de Gaza en est exclue ? Il n’est donc pas évident que Mahmoud Abbas puisse mener son opération jusqu’au bout. L’annonce d’élections en janvier n’étant plus alors, en effet, qu’un coup « tactique » plus que périlleux.

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