Condamner la barbarie

Dans un numéro spécial du « Dessous des cartes », Jean-Christophe Victor dresse un bilan de l’abolition de la peine de mort dans le monde.

Jean-Claude Renard  • 7 janvier 2010 abonné·es

À son habitude, il s’appuie sur les cartes, les graphiques. Le toutim commenté par un phrasé clair et précis. La sentence verbale est une marque de fabrique chez Jean-Christophe Victor. Voilà donc du pur « Dessous des cartes ». À cela près qu’il s’agit là d’un numéro consacré à l’abolition de la peine de mort. Thème sensible. Celui de la vie. Ou presque. Dans l’histoire de nos sociétés, rappelle en préambule Jean-Christophe Victor, la peine de mort est « apparue presque comme une régulation par rapport au principe de vengeance et de justice personnelle pratiqué pendant des siècles ». L’abolition de la peine de mort est donc « un phénomène » récent. En 1900, seulement 5 pays avaient aboli la peine capitale (Portugal, Pays-Bas, Costa Rica, Saint-Marin, Venezuela). Ils étaient 14 en 1945. Et 104 en 2009. Une évolution qui démontre un changement dans l’évolution des mentalités depuis cinquante ans seulement.

Parallèlement aux tribunaux d’exception de Nuremberg (1945) et de Tokyo (1946), Victor relie cet infléchissement à la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée en 1948. Elle ne bannit pas la peine de mort, mais son article 3 proclame que « tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne » . Dans la foulée, l’Europe progresse le plus vite, s’alignant sur les démocraties occidentales de Saint-Marin et de l’Islande. Fin des années 1970, une vague d’abolitions déferle, en partie grâce aux directives du Conseil de l’Europe (en 1983, 47 États partis ratifient l’abolition).
Au-delà de l’Europe, 93 % des peines capitales sont exécutées dans 5 pays. En Iran, au Pakistan, en Arabie Saoudite, aux États-Unis et en Chine. 1 718 personnes ont été exécutées en 2008 en Chine. D’autres estimations en avancent plus de 6 000, dans un pays comptant 68 infractions passibles de la peine de mort, comme l’évasion fiscale, la spéculation, les jeux de hasard, le vol de vaches.

Avec 35 État sur 50 pratiquant la peine de mort, les États-Unis sont un autre cas, fluctuant entre les moratoires et les chaises électriques, oscillant entre la tradition persistante d’une culture de l’arme, les restes de la politique de Reagan et la pression des fondamentalistes religieux (s’y ajoute une variable de taille : la discrimination raciale dans le Sud américain). In fine , plus de la moitié de la population mondiale vit dans des pays qui n’ont pas aboli la peine capitale. Ce qui pose l’éternelle question de l’idée qu’on se fait de la justice et de la vengeance, du pardon et de la vie elle-même.

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