Une dette sans fin

Le G7 a promis le 6 février d’annuler la dette haïtienne. Mais la mesure semble loin d’être effective.

Manon Loubet  • 18 février 2010 abonné·es

«Le G7 va annuler les 214 millions de dollars de la dette bilatérale d’Haïti » , déclare Jim Flaherty, le ministre canadien des Finances, au cours d’une réunion du G7 à Iqaluit, ville du Grand Nord canadien, le 6 février. En juin 2008, une déclaration sensiblement identique du G8 avait été communiquée, à la suite d’une lettre de Christine Lagarde exigeant « l’annulation immédiate de la dette d’Haïti » , adressée au Groupe des huit. Deux ans plus tard, un séisme de grande ampleur fait donc ressurgir cette question. Bilan : seuls le Canada et les États-Unis ont respecté les engagements de 2008 et ont renoncé aux millions de dollars qui leur étaient dus. « Les autres pays créanciers ont seulement mis en place un échelonnement de remboursement de la dette » , s’indigne Sophie Perchellet, vice-présidente du Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde France (CADTM).

Entre les promesses et les réalités, les organisations non gouvernementales (ONG) restent sceptiques : « Le 6 février, le Club de Paris, groupe informel des principaux pays créanciers, n’a pas annoncé de délais ni de conditions pour l’annulation de la dette haïtienne, explique Sébastien Fourmy, porte-parole d’Oxfam France. Vont-ils annuler la totalité de la dette ? Une partie ? Ce n’est pas encore très clair. » Si bien que, sur les 58 millions d’euros dus à la France, seuls 4 millions ont été effacés à la suite de la catastrophe du 12 janvier. Et les Italiens et les Allemands viennent tout juste d’organiser des réunions avec les partenaires haïtiens pour amorcer le processus d’annulation totale de la dette. Le Venezuela, un des deux pays créanciers, avec Taïwan, non-membres du Club de Paris, a quant à lui effacé cette dette depuis le 26 janvier.

Du côté des institutions financières internationales, les déclarations ne sont pas très précises. Le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement ont certes appelé les bailleurs de fonds, dont les pays du G8, à faire « un effort supplémentaire pour annuler la dette multilatérale de 900 millions de dollars » . Mais le FMI a notamment décidé d’octroyer une aide de 100 millions de dollars, sous forme de… prêt. Dominique Strauss Kahn, président du FMI, explique que le Fonds ne peut accorder un don : « Nous avons donc opté pour la formule du prêt, mais avec un taux d’intérêt nul et un long délai de grâce de cinq ans et demi. » Pour le CADTM, une telle annonce est scandaleuse : « Ce que le FMI ose qualifier d’aide constitue rien de moins qu’un prêt dont le capital devra être remboursé, qui exige l’augmentation du prix de l’électricité et le gel des salaires dans la Fonction publique. » Les conditions de ce prêt déclenchent de nombreux débats auprès des pays créanciers et des ONG. Les Haïtiens ne sont pas près d’en voir la couleur.

Les annulations de la dette et la mise en place d’aides de la part des grandes institutions financières n’en sont encore qu’à leurs balbutiements, alors qu’Haïti est dans « l’urgence immédiate » , s’alarme Sébastien Fourmy. « La dette doit être annulée dans sa totalité, et rapidement. »

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