Tension extrême à Bangkok

Après deux mois de siège, le pouvoir menace de donner l’assaut contre le camp retranché des « chemises rouges », et refuse toute médiation, y compris celle des Nations unies.

Alain Lormon  • 20 mai 2010 abonné·es

Amnesty International a accusé mardi l’armée thaïlandaise d’avoir tiré à balles réelles sur des personnes sans armes et ne présentant pas de menace, lors de l’opération lancée contre le camp retranché des « chemises rouges », dans le centre de Bangkok. En quatre jours, ce sont 38 personnes qui ont ainsi été tuées, toutes civiles, à l’exception du général Seh Daeng, qui avait rejoint la guérilla. Tous les contacts entre les opposants et le régime ont été rompus depuis le 13 mai, lorsque le Premier ministre, Abhisit Vejjajiva, a annulé sa proposition, faite dix jours plus tôt, d’organiser des élections anticipées à la mi-novembre. Les « chemises rouges » – environ cinq mille personnes – demandent le retour au pouvoir de l’ancien Premier ministre, Thaksin Shinawatra, aujourd’hui en exil au Monténégro et à Dubaï. Celui-ci avait été chassé par un coup d’État militaire en 2006.

La crise a commencé le 14 mars lorsque plusieurs milliers de « chemises rouges » avaient pris position dans un quartier commercial et touristique de Bangkok, et exigé la démission d’Abhisit. À partir du 19 avril, la situation s’était considérablement tendue, les « rouges » édifiant des barricades, tandis que l’armée organisait le siège de ce qui s’apparentait de plus en plus à un camp retranché. Le 28 avril, les forces dites de sécurité avaient une première fois ouvert le feu sur un convoi de « rouges » à l’extérieur de Bangkok. Le pouvoir refuse actuellement toute médiation, y compris celle des Nations unies. Les « rouges » demandent l’intervention du roi. Sans prérogatives officielles, le monarque, Bhumibol Adulyadej, qui règne depuis 1946, dispose d’un pouvoir moral, dont il n’est visiblement pas pressé d’user. Ce qui n’est guère étonnant, ses partisans, élites traditionnelles du pays, étant du côté de l’armée et de l’actuel Premier ministre. Au contraire des « chemises rouges », qui se recrutent plutôt dans les couches rurales pauvres. Le paradoxe est que les manifestants misent sur un homme, Thaksin Shinawatra, qui est un affairiste populiste. Élu une première fois en 2001, il avait été réélu triomphalement en 2005. Renversé par l’armée en septembre 2006, il avait été auparavant affaibli par un scandale financier. Depuis ce coup d’État, la scène politique thaïlandaise, marquée par une grande instabilité, s’est bipolarisée à l’extrême.

Monde
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

Yassin al-Haj Saleh : « Le régime syrien est tombé, mais notre révolution n’a pas triomphé »
Entretien 2 juillet 2025 abonné·es

Yassin al-Haj Saleh : « Le régime syrien est tombé, mais notre révolution n’a pas triomphé »

L’intellectuel syrien est une figure de l’opposition au régime des Assad. Il a passé seize ans en prison sous Hafez Al-Assad et a pris part à la révolution en 2011. Il dresse un portrait sans concession des nouveaux hommes forts du gouvernement syrien et esquisse des pistes pour la Syrie de demain.
Par Hugo Lautissier
Au Chili, un espoir pour la gauche
Analyse 1 juillet 2025 abonné·es

Au Chili, un espoir pour la gauche

Dimanche 29 juin, la candidate du Parti communiste, Jeannette Jara, a emporté haut la main les primaires de gauche. Elle représentera la coalition de centre-gauche Unidad por Chile à l’élection présidentielle, en novembre prochain. Un défi important dans un contexte de droitisation du continent sud-américain.
Par Marion Esnault
Contre la guerre, aux États-Unis : « Nous ne voulons plus de morts, plus de victimes »
Reportage 27 juin 2025

Contre la guerre, aux États-Unis : « Nous ne voulons plus de morts, plus de victimes »

Des rassemblements sont organisés depuis une semaine aux États-Unis contre l’attaque américaine en Iran. Si la taille des manifestations reste minime, l’opposition à l’intervention américaine est forte dans la population, y compris chez certains soutiens de Donald Trump.
Par Edward Maille
« Le fracas des bombes ne réduira jamais au silence les sociétés »
La Midinale 27 juin 2025

« Le fracas des bombes ne réduira jamais au silence les sociétés »

Aghiad Ghanem, docteur en relations internationales à Sciences Po, co-auteur de Espace mondial aux Presses de Sciences Po, est l’invité de « La Midinale ».
Par Pablo Pillaud-Vivien