Bolkestein à l’œuvre

La fameuse directive de libéralisation du marché des services, qui a contribué au « non  » du référendum de 2005, n’a jamais été retirée, en dépit des affirmations des politiques.

Thierry Brun  • 1 juillet 2010 abonné·es

Peut-être vous souvenez-vous d’avoir entendu François Hollande certifier, fin mars 2005, que « le projet de directive  [Bolkestein sur les services était] arrêté et abandonné ». Dans une déclaration mémorable, le président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré (UMP), ajoutait même : « C’est réglé, on a débarrassé le débat européen de cette directive. » Jacques Chirac en personne, alors président de la République, se félicitait du « retrait » de cette directive. Un retrait mythique et de pure circonstance. À deux mois du référendum sur le traité constitutionnel européen, cette directive de libéralisation du marché des services, dont Politis avait été « le premier en France »  [^2] à révéler le contenu, dès le 25 mars 2004, commençait à convaincre les citoyens de voter « non ».

Taillant en pièces ces affabulations, nous soulignions le 31 mars 2005 que la directive sur les services avait malgré tout un bel avenir devant elle ( Politis n°845). Jean-Claude Juncker, qui assurait la présidence de l’Union, avait d’ailleurs apporté cette courte et vigoureuse confirmation : « La directive ne sera pas retirée. » Et elle fut adoptée en 2006.

Mais le mythe du retrait de la directive honnie perdure puisque les citoyens ignorent que la libéralisation de leurs services, à quelques exceptions près, a été définitivement inscrite dans la législation française le 28 décembre 2009, date butoir fixée par la Commission européenne pour la transposition de la directive Bolkestein. Le champ d’application de ce texte à nul autre pareil concerne aussi bien les services publics que les services aux entreprises. Désormais, le bureau de l’architecte est traité de la même manière que la restauration collective d’une ville ou que la formation professionnelle : ces activités sont soumises à la même logique de « libre prestation de services » et de mise en concurrence, avec la perspective de transposer les préceptes de la firme privée aux politiques publiques.

La directive services est en fait une émanation de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), dont le cycle de négociation, amorcé en 2001, s’est poursuivi en 2008. Politis avait révélé en 2003 le contenu des offres de libéralisation organisées par l’Union européenne.

[^2]: Dixit Raoul Marc Jennar, à qui nous devons d’avoir été alertés sur ce projet.

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