Johnny Depp, fascination critique

Ingrid Merckx  • 1 juillet 2010 abonné·es

Johnny Depp apparaît torse nu sur la couverture, presqu’en relief, une cigarette à la main, le regard de face, intense et songeur… Ici commence Johnny Depp n’est pourtant pas un livre pour midinettes mais un essai de haut vol sur le talent d’acteur et une magistrale leçon de critique. L’« ici » du titre, « c’est le lieu où vous, cher lecteur, commencez à réfléchir avec moi à Johnny Depp. Après tout, c’est parce que nous nous intéressons à une star qu’elle est une star » , annonce Murray Pomerance, enseignant installé à Toronto qui a consacré des écrits à de grandes figures du cinéma américain. Son ouvrage est dépaysant à plus d’un titre : intriguant dans sa proposition, brillant dans son développement, impressionnant dans sa forme (honneur à la traductrice !).

Pourquoi Johnny Depp ? Parce qu’il incarne la star moderne, comme James Dean, Humphrey Bogart ou Marlon Brando en leur temps. Il crée des personnages « amplifiés » , pour le public le plus large (Jack Sparrow, dans Pirates des Caraïbes), et « intimistes » pour un public plus restreint (Gilbert, dans Gilbert Grape ). Il est peut-être le seul acteur à rencontrer le succès dans ces deux domaines. Impossible de lui attribuer une origine : ses personnages proposent des « modulations de différents types ethniques » . Il n’a pas de personnalité transfilmique, comme un De Niro ou un Woody Allen qui «  échouent à disparaître » à l’écran. Il donne l’impression qu’il pense en jouant. En outre, « dans notre société du spectacle où tout tend à figer les identités, Depp effectue un retour à la libre circulation. Son indéfinition s’oppose au mécanisme social qui isole, diagnostique, emprisonne les individus ». Murray Pomerance part de sa fascination pour élaborer une série d’études pointues, parfois légèrement tirées par les cheveux mais toujours d’une grande clarté.
Neuf « Deppositions », 17 analyses de personnages, une « Depp théorie » : il pique ses réflexions de références philosophiques et cinématographies, d’analyses de scènes et d’extraits d’articles. « En le regardant, que pouvons-nous apprendre sur le regard, la pensée, la compréhension, le cinéma ? », interroge-t-il, ni totalement groupie ni totalement théoricien, as de l’intersubjectivité.

Culture
Temps de lecture : 2 minutes