Montée en puissance

Le groupe canadien Black Mountain s’affirme avec un troisième album percutant et accrocheur, « Wilderness Heart ».

Jacques Vincent  • 23 septembre 2010 abonné·es

Black Mountain est un groupe de Vancouver dont la musique est une assez belle machine à fantasmes. À tel point qu’on aurait envie d’en raconter l’histoire sans même chercher à rien savoir de la réalité de ceux qui la produisent.
On y entend un groupe qui puise son inspiration dans une époque située aux confins des années 1960 et 1970. À l’instar des neo-garage Chesterfield Kings, tellement plongés dans leurs obsessions qu’ils dataient leurs courriers de 1966, on verrait bien Black Mountain dater les siens de 1970 ou 1971. Pour décrire sa musique, on emploiera un qualificatif qui n’a plus guère cours aujourd’hui mais reste pourtant le plus approprié : heavy-rock. Le terme heavy, en l’occurrence, signifiant moins lourd que puissant, gorgé de sève ou empli d’une matière gazeuze qui en dilate les parois et maintient en permanence une menace d’explosion. Il n’implique pas non plus une débauche d’électricité, comme le montrent les nombreux passages acoustiques qui ne perdent ni en volume ni en force.

Black Mountain renvoie plus à une époque qu’à un groupe particulier, et les éléments de référence sont plus des citations que de véritables emprunts. Tel le riff rampant de « Rollercoaster », certes du pur Black Sabbath, mais seul dans son genre ; l’ombre de Pink Floyd dans certaines atmosphères, les glissandos de guitare, ou dans cette phrase, clin d’œil au premier album : « Le joueur de flûte aux portes pour te voler à l’aube »  ; voire celle d’Hawkwind dans certaines envolées épiques.

Aucun morceau n’évoque pourtant entièrement un de ces groupes. Les Canadiens ne sont pas des imitateurs et savent se garder de toute auto-indulgence. Ils savent aussi bâtir leurs compositions, et leur exigence dans ce domaine parvient à convaincre les plus réticents. Loin de s’en tenir à l’exploitation d’un son ou d’un riff, Black Mountain écrit des chansons aux charpentes solides, aux couleurs travaillées, en mettant à contribution une instrumentation qui, si elle repose d’abord sur les guitares et une basse musclée, s’enrichit toujours de l’apport précieux des claviers, notamment l’orgue et le mellotron, instrument qui constitue en lui-même une autre forme de citation. Enfin, il faut souligner la richesse des mélodies, magnifiquement portées, en alternance ou en surimpression, par les voix de Stephen Mc Bean, également guitariste, et de la chanteuse Amber Webber. Le résultat, aussi percutant qu’excitant, est particulièrement accrocheur.

Culture
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