Sur tous les tons, c’est non !

Le concert « Rock
sans papiers » a réuni plusieurs artistes
contre la politique
du gouvernement. Reportage.

Ingrid Merckx  • 23 septembre 2010 abonné·es

«Alors les gauchistes, on fait la fête ? » Le bonhomme, farce, porte un képi. Le concert « Rock sans papiers » bat son plein depuis plus de deux heures et, oui, c’est plutôt la fête à Bercy. Sage dans les gradins, dansante dans la fosse, façon baloche. Pas de quoi rigoler franchement, car ce concert de solidarité avec les sans-papiers se tient, ce 18 septembre, à une semaine du vote à l’Assemblée de la nouvelle loi Besson sur l’immigration. En outre, depuis le lancement du projet par le collectif Rock sans frontières – créé pour l’occasion par des associations, des syndicats et le Réseau éducation sans frontières –, il y a eu le discours présidentiel du 30 juillet, la circulaire du 5 août, les expulsions massives de Roms… « Seul Berlusconi applaudit, c’est dire ! » , grince Agnès Jaoui sur l’une des deux petites scènes qui encadrent le grand plateau central, dispositif qui permet à la vingtaine d’artistes qui participent de se passer le relais sans interruption. Elle chante un titre choisi : « Todo cambia ! » (« Tout change ! »).

Ils sont venus pour ça, les artistes, redonner du courage, et montrer qu’ils inscrivent leur nom, connu ou moins connu, sur la liste de ceux qui disent non. Les bénéfices du concert devant être reversés au Comité des travailleurs sans papiers grévistes, soit près de 7 000 personnes. Certains sont dans la salle, d’autres tractent dans les couloirs entre quelques tables estampillées RESF, la CGT, la Cimade, Act Up, SUD… «  Vos tickets ! Montrez-moi vos tickets ! », reprend le clown sur scène. «  Des papiers, j’en ai plein, mais pas le bon », souffle un travailleur sans papiers sur l’écran qui diffuse des témoignages.

« Il en faut, du papier ! », glapit Didier Wampas sur scène, avant d’entonner – hystérico-déconnant dans son futal doré – le tube de la soirée : « Car, quand Nicolas va chier/Trois fois par jour !/Il se torche le cul/Trois fois par jour ! » « Enfin du rock ! » , s’exclame quelqu’un, après une dizaine d’artistes – Oxmo Puccino, No One is innocent, Tryo, Clarika, Aldebert, Cali etc. – qui se sont fendus de textes composés exprès et se risquent à des duos imprévus, mais sans faire complètement grimper le tensiomètre. Puis Jane Birkin démarre a cappella « les Petits Papiers », dont le texte s’affiche en gros sur l’écran. Et les quelque 11 000 spectateurs d’enchaîner, comme au karaoké, cette chanson de Serge Gainsbourg. Elle figurait déjà sur l’album Liberté de circulation, réalisé en soutien aux sans-papiers à l’appel du Gisti. C’était en 1999… « Que Paris est beau quand chantent les oiseaux/Que Paris est laid quand il se croit français ! » , clament les Têtes raides, fidèles au poste, en reprenant un titre de cet album, « l’Iditenté », composé avec Noir Désir.

« Nous […] nous déclarons solidaires des milliers de sans-papiers qui grandissent, étudient et vivent à nos côtés dans notre pays », viennent-ils tous déclarer sur scène – Agnès Bihl, Abd El Malik, Jeanne Cherhal, 113, Cheb Bilal, Higelin, Daniel Dark, Emily Loizeau, Nosfell, Reda, Sinsemilia, Soan –, brandissant l’Appel du 18 septembre. « Nous refusons les lois Besson sur l’immigration, […] nous appelons à résister à ces pratiques indignes et inhumaines. » L’air grave, sans une note, ils glissent vers les coulisses. Et puis ça repart. « Être nés sous le signe de l’Hexagone/C’est pas ce qu’on fait d’mieux en c’moment… »

Culture
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