Des droits pour la planète

Jean-Louis Gueydon de Dives  • 14 octobre 2010 abonné·es

À Nagoya, businessmen et bureaucrates vont examiner de nouvelles mesures censées améliorer la situation de la biodiversité. Pour l’essentiel, il s’agit de donner une valeur monétaire à la biodiversité, réduite pour l’occasion à la notion de « services rendus » à l’espèce humaine, sous le prétexte répugnant que n’a de valeur que ce qui a un prix, et dans le but avoué de créer un marché des droits à détruire le vivant, que pourront acheter les riches en payant par compensation les pauvres, afin qu’ils protègent leurs propres « ressources » biologiques.

Des économistes, qui n’ont sans doute jamais mis les pieds dans un potager, présenteront une floraison de concepts aussi creux qu’incompréhensibles (TEEB, ABS, IPBES, TEMATEA…), et sans rapport avec la valeur réelle de la biodiversité – vie, beauté et sacralité.
Il s’agira aussi de renforcer les droits des « peuples autochtones » à partager avec les multinationales les profits qu’elles tirent de l’exploitation des ressources situées sur leurs territoires. Ce qui peut contribuer à la bonne santé des « peuples autochtones ». Mais on voit mal en revanche en quoi ce partage pourrait protéger les espèces vivantes en voie de disparition…
Tout cela est assez révoltant.

Il y a pourtant des alternatives à cette dérive malsaine vers une marchandisation universelle, comme la notion de « biens communs » : au lieu de considérer que seule la propriété privée des ressources est susceptible de les protéger, certains pensent à l’inverse qu’il faudrait les déclarer patrimoine commun, biodiversité mais aussi eau, forêt, air… Les « peuples autochtones » seraient ici aussi sollicités pour en être les « gardiens ». Sauf qu’il n’y en a pas toujours (dans l’océan, par exemple ) et qu’ils ne seront peut-être pas toujours dignes de confiance : demandez-le donc aux renards abattus par les « autochtones » de mon village sur les terrains communaux, lors de sanglantes battues…
Autre piste : la création pour la planète de droits juridiques opposables aux destructeurs du vivant. La notion a le grand mérite de sortir de l’anthropocentrisme universel qui nous fait mépriser la survie de millions d’êtres vivants, mais elle reste cependant assez abstraite : ne vaut-il pas mieux se soucier du sort des hérissons et des hirondelles, ici et maintenant, que des droits théoriques d’une entité mal cernée, fût-elle qualifiée du nom très respectable de Terre Mère ?

En réalité, ces conceptions idéologico-philosophiques
– marchandes ou désintéressées – risquent fort de n’entraver en rien l’érosion de la biodiversité. Pour cela, il faudrait s’attaquer à ses causes réelles : la disparition des habitats naturels, la chasse
et la pêche prédatrices, les pollutions en tout genre, etc.
Au fond, c’est très simple : il suffit d’arrêter de déboiser à outrance, d’étendre l’urbanisation et les autoroutes, de faucher les prairies
et les abords de routes « pour faire propre », de chasser tout et n’importe quoi, d’épandre des pesticides, de mépriser les quotas de pêche, de polluer océans et rivières, etc.
Autrement dit, il s’agit de s’autolimiter, et de respecter les territoires et les modes de vie des autres vivants. Pas besoin pour cela de négociations internationales, mais en revanche d’un changement profond de notre conscience et de notre vision du monde.

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