Les curiosités du monde

Alex Szalat est directeur de l’unité géopolitique et société au sein d’Arte. Il défend la variété des écritures et le décryptage de notre époque. Rencontre.

Jean-Claude Renard  • 21 octobre 2010 abonné·es

Nom, Szalat. Prénom, Alex. Des sonorités qui claquent. Au diapason d’un itinéraire. Alex Szalat a connu un parcours classique qui n’en est pas un. Une école de cinéma, d’abord. Au Centre d’études et de recherches pour l’image et le son (Ceris). Une formation professionnelle pour réaliser des courts-métrages. Et suffisamment de travaux sur pellicules pour recevoir une carte de premier assistant-réalisateur. Un titre qui ouvre les portes de la télévision. Aux « Dossiers de l’écran » pour commencer. Il existe pires débuts. On est à la toute fin des années 1970. Alex Szalat n’est pas statutaire mais « extérieur pigiste », régulièrement sollicité pour des émissions, des magazines.

En 1985, après moult expériences, il œuvre à la direction de productions. D’une société à l’autre, il travaille toujours à la télévision, mais pour les producteurs. C’est une étape, ou plutôt une autre corde à son arc, avant d’affronter directement la réalisation avec un premier documentaire, en 1987, le Blues du yiddish , consacré aux lieux de vie de la langue à travers un abécédaire hébraïque. Suivent d’autres films : les pratiques musicales amateurs en Europe, une série sur Mozart, un portrait du premier photographe en Palestine, Yaacov Ben Dov (vers 1907). Parallèlement, avec le réalisateur Jean-Pierre Krief, il crée KS Visions (K pour Krief, S pour Szalat), une société de production qui élargit l’objectif. Et de produire des séries courtes, divers documentaires autour de l’histoire, de la musique, de la culture. Un large panel. Ici l’Afrique, là les drogues de substitution. Une expérience qui le confronte à l’univers « artésien ». Avec qui il travaille, mais qui lui refuse aussi beaucoup de projets.

Au fil des ans, il réalise une vingtaine de films, dont Clara Lemlich, journal d’une meneuse de grève , autour de la révolte des ouvriers du textile aux États-Unis, en 1909. Il produit plus encore, notamment la série photographique « Contact », « Des goûts et des couleurs », « D’après nature », un portrait d’Angelin Preljocaj, ou encore Voyage dans l’humour juif . Un éclectisme naturel lié à un itinéraire personnel, qui mêle les soubresauts de l’histoire, la citoyenneté et l’identité, un éclectisme lié à des parents polonais immigrés, débarqués en 1946, à Paris, avec un père communiste, cordonnier, et la langue yiddish pour langue maternelle.

2005 : nouveau tournant. Alex Szalat entre à Arte, d’abord aux soirées « Théma » ; aujourd’hui, il est directeur de l’unité « actualité géopolitique et société ». Entre reportages, documentaires et investigations. Au programme, l’Arabie Saoudite, le Darfour, la Syrie, l’Indonésie, l’Inde, la Russie, des biographies de Salman Rushdie, Leila Shahid, Baltasar Garzon, ou le film de Shimon Dotan, le Temps des prisonniers (en Palestine). Ces dernières semaines, se sont succédé les documentaires Marchands d’anthrax , Un si long voyage, des soirées thématiques avec le Brésil à l’heure des élections ou les Biens mal acquis (en Afrique). Programmation éclectique s’il en est, à l’image d’une personnalité donc, dans une fonction non sans enjeux, parce que « traiter les thèmes géopolitiques à la télévision reste compliqué. Le téléspectateur attend autre chose du petit écran. Il s’agit donc d’expliquer avec des codes d’analyse et d’inter­prétation qui permettent de saisir le dessous des cartes » .

Justement, « le Dessous des cartes », présenté par Jean-Christophe Victor, est aussi dans la besace d’Alex Szalat. Un autre genre, un autre format, des écritures variées. « On regarde le monde, et l’on se dit : il faut expliquer ce qui se passe ici, faire quelque chose parce que personne ne le fera. » Sachant « qu’il est aussi important de trouver son écriture que de traiter son sujet » . Un pari difficile si l’on songe que les téléspectateurs « ont peut-être moins envie de découvrir quelque chose et plus envie d’être confortés dans ce qu’ils connaissent déjà un peu » . C’est donc affaire d’intuition. Tout en préparant des documentaires sur France Telecom, les maladies à faire fructifier pour les labos, la décroissance, le sida, le carbone… En attendant une carte blanche à Hubert Védrine et des débats menés par ­Pascal Boniface dans les soirées « Théma » à caractère géopolitique. Forcément, des programmes à suivre.

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