Les États-Unis sont au point mort

Hélène Crié-Wiesner  • 25 novembre 2010 abonné·es

L’opinion publique américaine ne s’intéresse pas au sommet de Cancún. C’est compréhensible. L’an dernier, le pays savait Barack Obama, auréolé de son Nobel de la Paix, anxieusement attendu à Copenhague par la communauté internationale dans l’espoir que les États-Unis jouent enfin un rôle majeur dans la lutte contre le dérèglement climatique. Les élections du 2 novembre ont anéanti les derniers espoirs des environnementalistes, déjà groggy après l’abandon officiel cet été du projet de loi énergie-climat, sur lequel Obama a admis le 8 novembre être incapable de revenir avant la prochaine présidentielle, tant l’équilibre politique lui est devenu défavorable.

Alors, à Cancún, le panier des négociateurs américains sera encore plus vide qu’à Copenhague, où Obama avait promis que, d’ici à 2020, les États-Unis baisseraient leurs émissions de 17 % par rapport à leur niveau de 2005, mais en expliquant qu’il ne pouvait pas engager son pays tout seul. Pour cela, il faudrait auparavant que son Congrès adopte la fameuse loi. Échappatoire possible : la promulgation par l’Agence pour l’environnement (EPA) de nouvelles régulations pour limiter les émissions de l’industrie au titre de la qualité de l’air, ainsi que l’accroissement de la part des énergies renouvelables. En outre, les États-Unis devaient contribuer largement à l’aide financière pour l’adaptation des nations pauvres aux conséquences du réchauffement.

Quel est l’état d’avancement de la promesse ? Certes, la part du solaire et surtout de l’éolien a grimpé, grâce notamment aux vigoureux stimuli mis en place par Obama dès son arrivée. Mais, ébranlée par une crise qui n’en finit pas de détruire l’économie, l’opinion publique n’est plus aussi réceptive au message écologique. Les Tea Parties des ultra-conservateurs, lors des élections du 2 novembre, ont pilonné les défenseurs de l’environnement, particulièrement les « théoriciens » de la responsabilité de l’homme dans les changements climatiques. Sur les cent nouveaux élus républicains élus au Congrès le 2 novembre, cinquante revendiquent leur « négationnisme » climatique. Et 86 % d’entre eux sont opposés à une quelconque réglementation anti-CO2 au prétexte qu’elle coûterait de l’argent aux contribuables.

Ce nouveau Congrès n’approuvera donc pas de nouveaux crédits pour l’EPA, qui a dû se contenter d’annoncer le 10 novembre des « recommandations » aux entreprises lourdement émettrices. Aux États de tenter de les appliquer chez eux. Avant le 2 novembre, 49 sur 50 se disaient prêts à « considérer » une action envers le carbone, mais la donne a changé. Quant aux fonds pour l’aide environnementale internationale, le sujet reste pour l’instant cantonné aux commissions du Congrès.

À Cancún, les États-Unis pourront faire mousser leur « Clean Energy Initiative » (Initiative pour une énergie propre), partenariat lancé le 17 novembre avec la Chine, 150 millions de dollars sur cinq ans pour mettre en commun des technologies : capture de CO2, efficacité énergétique des bâtiments, véhicules électriques. Un partenariat analogue a été évoqué avec l’Inde. C’est léger, pour un sommet international…

Même les traditionnels militants du climat n’ont pas fait de Cancún un enjeu. Prenant acte de la paralysie de l’exécutif du pays, ils s’en remettent à de nouvelles stratégies. En septembre, un appel retentissant signé par trois organisations majeures [^2] exhortait les écolos américains à laisser tomber l’interpellation politique pour se concentrer sur « l’action directe de masse » . Comme en échos, des centaines de climatologues membres de la Société américaine de géophysique ont annoncé le 8 novembre une initiative spectaculaire : ils monteront désormais systématiquement au créneau dans les médias afin de ne pas laisser se propager une désinformation scientifique sur le climat qu’ils jugent stupéfiante.

Quelques jours après la défaite électorale de son camp, Barack Obama s’exprimait sur l’avenir de son action climatique, appelant à une « collaboration constructive bipartisane » sur le sujet. Lui-même n’y croit sans doute pas. Il ajoutait : « On pourrait au moins s’accorder sur la manière de relancer notre énergie nucléaire, sur l’exploitation de nos formidables réserves de gaz. Ce serait une bonne façon de réduire à la fois notre dépendance envers le pétrole étranger et nos émissions de carbone. »
Déduction des commentateurs : le Président consacrera la fin de son mandat davantage à l’indépendance énergétique des États-Unis qu’aux enjeux climatiques. On n’imagine pas le sommet de Cancún y trouver une once de satisfaction…

 

[^2]: Voir Politis n° 1120.

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