Fukushima : un mois après, la catastrophe est toujours en cours

Tandis que Fukushima glisse doucement au second plan de l’actualité, l’expérience de Tchernobyl rappelle que les dégâts d’une catastrophe nucléaire majeure s’étendent sur des dizaines d’années.

Claude-Marie Vadrot  • 13 avril 2011
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Fukushima : un mois après, la catastrophe est toujours en cours
© Photo : AFP / HO / TEPCO VIA JIJI PRESS

Ainsi donc, l’accident des réacteurs de Fukushima est désormais classé au niveau 7 sur une échelle de… 7. Cela signifie que cette catastrophe, qui doit un peu au tsunami, beaucoup à l’arrêt brutal des réacteurs et plus encore aux économies de bouts de chandelles de la société Tepco qui gère ses centrales, est au moins aussi grave que celle de Tchernobyl, il y a de cela tout juste 25 ans. Alors que la zone interdite tracée autour de la centrale ukrainienne couvre 2 500 kilomètres carrés, celle que les autorités japonaises sont en train d’envisager et d’instaurer va bientôt la dépasser. Avec, comme aujourd’hui encore à Tchernobyl, des « taches » de radioactivité plus ou moins intenses mais qui toutes dépassent les normes qu’un individu peut supporter avant de mettre sa santé en danger. Conséquences, des cancers bien sûr mais aussi des maladies de l’appareil digestif et d’autres maux dont les médecins ukrainiens, biélorusses et russes n’ont pas encore compris tous les mécanismes. Le prochain numéro de Politis (en kiosque et sur ce site jeudi) reviendra sur les ressemblances entre les conséquences et les mystères des accidents en Ukraine et au Japon.

Aujourd’hui encore, la catastrophe de Tchernobyl tue. Comme celle de Fukushima tuera encore dans 25 ans. D’autant plus que les réacteurs continueront à relâcher des effluents, dans l’air et dans la mer, pendant des mois. Mais bien malin qui pourra remettre en cause les annonces chaque semaine plus rassurantes diffusées par la Tepco et les autorités puisque la zone proche de la centrale est interdite à la presse. Ce qui est certain : d’abord, que la dispersion de radioactivité dépasse largement les espaces qu’il est question d’interdire puisque l’on mesure des taux anormaux jusqu’à 60 kilomètres de l’accident ; ensuite, que les pluies ont lavé l’atmosphère pendant plusieurs jours, précipitant les particules nocives sur le sol. Les violents orages prévus pour cette fin de semaine remettront une nouvelle couche de radioactivité sur les villages en ruines et sur les zones agricoles.

Enfin, les responsables de l’agriculture estiment à une dizaine de milliers les bovins qui errent dans la zone, à la fois sans soins, sans nourriture et fortement irradiés. Plus question de cultiver ni de vendre ce qui a été planté ou semé au début du printemps. Quant à la mer, malgré les assurances des autorités, elle accueille toujours des milliers de tonnes d’eau fortement irradiée. D’où, malgré les « promesses » de dilution, une interdiction de pêche tandis que la tache d’eau contaminée s’étend et descend vers le Sud.

Pour ce qui est des sarcophages – car il en faudra plusieurs -, l’expérience de Tchernobyl montre que ces assemblages n’arrêtent pas la contamination. D’autant plus que, comme en Ukraine en 1986, leur édification prendra des mois et coûtera cher en vies humaines. Sur ce point, la Tepco et les autorités sont muettes ; les offres de salaires mirifiques n’ont pas attiré les volontaires. Comme à Tchernobyl, on ne connaîtra que bien plus tard une partie de la vérité alors que l’oubli commence à faire son oeuvre.


→ Soutenez le prochain reportage de Politis.fr en Amérique du Nord, à la rencontre des victimes de l’exploitation des gaz de schiste et des militants opposés à cette technique destructrice.

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