Ralph Lavital 24 ans, guitariste

Itinéraires d’enfants
pas vraiment gâtés : Jazz, classique, variété. Trois jeunes instrumentistes relatent leur parcours. Entre travail acharné, coups de blues et débrouillardise.

Ingrid Merckx  • 16 juin 2011 abonné·es

Illustration - Ralph Lavital 24 ans, guitariste

«Ce qui me sauve, c’est la musique antillaise ! », lance Ralph. C’est grâce à elle que ce guitariste de 24 ans, d’origine antillaise, décroche 5 ou 6 « gig », par mois. À 100 euros environ le cachet, ce n’est pas énorme, mais ça permet de se faire connaître. « Après, untel me rappelle ou passe mon numéro à un autre. Maîtriser un répertoire particulier, ça aide… » Son truc ? « Dire que je peux jouer plein de styles différents mais que le jazz est ce que je fais de mieux. Comme c’est l’élite des musiques populaires, c’est une bonne carte de visite. » Des concerts de jazz, Ralph en donne peu encore. « C’est rare que les musiciens confirmés invitent un jeune. Ce n’est pas qu’une question de niveau, c’est dur d’être pris au sérieux. Du coup, les jeunes jouent entre eux. » Et peinent à monter sur scène. Pour lui, en tant que « sideman », le jeu consiste à se montrer, à aller « jammer » de temps en temps pour mettre en avant ce qu’il sait faire, avec un peu d’esbroufe et de culot. « On est obligé d’oublier un peu la technique », mais au final il trouve ça « marrant ». Plus en tout cas que d’alimenter des comptes Facebook ou Twitter, « pas du tout son truc »

« Comment se vendre, se placer, décrocher des dates, le statut d’intermittent : on n’apprend pas grand-chose du métier à l’école… »* Internet, il lui faudra s’y mettre, comme à l’enregistrement d’un disque : « Pour avoir un support, quelque chose à présenter ». Ralph verra peut-être ça bientôt avec Zetliyo, un groupe de jazz guadeloupéen qu’il vient de rejoindre. « On voudrait moderniser le répertoire caribéen. Les clubs, les radios ont vingt ans de retard sur la scène actuelle. Les jeunes musiciens ont grandi en écoutant du hip-hop et du R’n’B’. »

Juin sonne la fin de son cursus à l’Edim (Cachan), qu’il a rejointe après avoir obtenu une licence de musicologie à la Sorbonne et un diplôme de fin d’études au conservatoire du XIIIe arrondissement à Paris. Si c’est l’une des écoles privées les plus abordables, pour payer ses études et joindre les deux bouts, Ralph donne néanmoins des cours de guitare et il est gardien dans un immeuble deux nuits par semaine. Il dort peu. A fortiori quand il enchaîne une nuit de garde et une répétition le matin d’un concert. Mais il en veut. Les écoles de jazz restent majoritairement fréquentées par des jeunes de familles aisées. Pour eux, pas besoin de gagner sa croûte, et pas de problème pour répéter ou jouer sur de bons instruments. Mais, sur scène, ils se retrouvent tous à égalité. « Moi, j’ai la chance d’avoir des concerts, mais mes camarades voient plutôt l’avenir en noir. En juillet, on débarque sur le marché du travail. On a un petit projet en poche, mais, sans réseau, on est seul. Ce serait bien de conserver un léger encadrement, des réunions avec d’anciens élèves, des ateliers, et que les écoles passent des contrats avec des salles. Qu’elles ne forment pas que des formateurs… » Le pianiste Laurent Coq, qui enseigne à l’Edim, l’a invité à suivre le mouvement lancé par Révolution de jazzmin. Une belle occasion de découvrir le milieu.

Musique
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