Le rayonnement de la France


Denis Sieffert  et  Christophe Kantcheff  et  Jean-Claude Renard  • 28 juillet 2011 abonné·es

Illustration - Le rayonnement de la France


Le ministre de l’Intérieur, Christian Picquet, dut en revanche batailler ferme pour obtenir les crédits nécessaires à une vraie police de proximité. Bien qu’il n’y eût pas sur cette question de divergences idéologiques. Tel n’a pas été le cas pour le budget des Affaires étrangères. Du côté Front de gauche, on était très attaché au « rayonnement de la France » dans le monde ; pas question de fermer des consulats ou des centres culturels. « Ce sont des vieilles lunes patriotardes », avait stigmatisé l’inévitable Cohn-Bendit, qui, soit dit en passant, avait refusé tout ministère, mais campait à Matignon pour appuyer un nom ou en récuser un autre. On avait finalement décidé de partir a minima, mais on prévoyait la tenue d’un collectif budgétaire un peu plus tard sur cette question. Bref, on avait botté en touche. Les Affaires extérieures, confiées à Eva Joly, ont cependant été honorées par une décision spectaculaire, dès le lendemain de la formation du gouvernement : le retrait de la France du commandement intégré de l’Otan.

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On annonça aussi la fin des missions à l’étranger, en Afghanistan comme dans l’ancien pré carré africain. La déclaration commune des deux Premiers ministres, sur le perron de Matignon, laissait poindre une jubilation partagée. Cela fut du meilleur effet, d’autant que le seul vrai consensus Mélenchon-Duflot, et qui correspondait aux instructions de la présidence, était : « Pas de vagues durant la phase initiale. » Rien en tout cas qui puisse faire le jeu de la droite ! C’est aussi la raison pour laquelle la question fiscale, qui faisait consensus dans ses grandes lignes, était programmée en priorité pour la rentrée. Malgré ces précautions, une brève escarmouche avait opposé les deux Premiers ministres à propos du portefeuille de l’Environnement. Mélenchon réussit finalement à imposer Martine Billard, mais il dut moins ce succès à sa force de conviction qu’à la dialectique subtile de Jean-Vincent Placé. Le principal conseiller de Cécile Duflot argumenta à front renversé qu’il valait mieux confier ce ministère à une écologiste authentique du Front de gauche — et récente transfuge des Verts — plutôt qu’à un Vert qui se heurterait sur plusieurs dossiers « chauds » à une obstruction des communistes. « Qu’ils mettent de l’ordre chez eux ! », s’était exclamé Placé, qui avait pleinement convaincu Duflot de « céder » ce maroquin, un peu comme aux échecs on sacrifie un pion pour mieux prendre une tour. Placé pensait évidemment au débat qui ne manquerait pas d’avoir lieu avec les communistes sur la sortie du nucléaire. Et puis ce cadeau empoisonné mettrait Mélenchon en situation d’être redevable pour un autre ministère. Il se murmurait que le ministère de l’Emploi, d’abord confié au communiste Pierre Laurent, fut doublé pour cette raison d’un secrétariat d’État — le seul de la nouvelle équipe — qui revint au Vert Jérôme Gleizes.
Pas de vagues, soit, mais une vaguelette au cœur de l’été quand le jardinier de Matignon pria les deux co-Premiers ministres de choisir, comme le veut la tradition, un arbre à planter dans le parc. « Quelle tradition ? », s’insurgea Mélenchon, d’ordinaire pourtant attaché à la symbolique républicaine. Alors que Cécile Duflot, conseillée en la circonstance par le journaliste-jardinier (à moins que ce ne soit l’inverse) connu par les initiales C.-M. V., avait porté son choix sur le Malus domestica, symbole de simplicité biblique et de souveraineté alimentaire, Mélenchon protesta qu’en fait de symbole, c’était une « invention de Raymond Barre » et qu’il y avait des héritages « qu’il valait mieux oublier ». On se réconcilia sur une autre question agraire en décidant de créer une Amap à Matignon, et en invitant tous les ministères à faire de même. On nomma José Bové, chargé de mission pour le développement des Amap.

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