Loiret : les Mauves à sec

Ces petits cours d’eau alimentés par la nappe de Beauce sont en voie d’assèchement. Reportage sur un écosystème en péril.

Claude-Marie Vadrot  • 14 juillet 2011 abonné·es

Dégoûté par la poussière de terre qu’il remue dans l’espoir de planter ses derniers haricots verts, Louis jette son râteau près de sa cabane et montre un fossé fangeux qui borde son jardin : «   Il n’y a plus de courant, presque plus d’eau. Elle ne monte même plus par capillarité. Regardez ces algues qui pourrissent. Regardez les patates de mon voisin, elles piquent du nez ! Il ne va pas s’étouffer avec les grosses.  » La zone de jardins potagers occupant le lacis découpé par les rivières de Huisseau-sur-Mauves souffre de la sécheresse. Dans les canaux des Mauves, ces rivières qui irriguent Huisseau et Meung-sur-Loire, il ne reste plus qu’un vague mélange de boue. Ce petit écosystème alimenté par la nappe de Beauce est en voie d’assèchement.


Jean-Louis Posté, le président de Mauves vivantes, association affiliée à France Nature Environnement, commente : « Nous sommes très proches d’un débit de crise, et le niveau continue à descendre. En plus, la pollution en nitrates — 85 mg par litre –, en pesticides et en PCB se concentre dans le peu d’eau qui reste. Il y a de moins en moins de poissons, les roseaux disparaissent.  »
Un jeune pêcheur ronchonne en envoyant sa ligne sous un petit pont : « Ils relâchent des truites tous les quinze jours, mais la plupart meurent avant que nous les attrapions. L’eau trop rare chauffe trop vite et les poissons meurent faute d’oxygène. Il n’y a plus un seul brochet. De toute façon, il est interdit de les manger à cause des PCB, maintenant ! À chaque petite ou grande sécheresse, je vois cette région s’étioler, se rétrécir. »


Cet extraordinaire écosystème humide a fait fonctionner plusieurs dizaines de moulins jusqu’aux années 1960 et abrité une zone de maraîchage qui alimentait la ville d’Orléans. Les céréaliers et les agriculteurs du maïs épuisent désormais l’immense nappe de Beauce… L’un des cours d’eau, la Mauve de Montpipeau, est devenu intermittent. Une vingtaine de kilomètres plus loin, la rivière unique, qui réunit ce qui reste de ce système aquatique et se jette dans la Loire, n’est plus qu’un filet d’eau.


Au hameau de La Nivelle, un couple broie du noir : «   Encore une ou deux sécheresses, encore quelques années, et les Beaucerons viendront planter leur maïs ici. Imaginez ! L’eau disparaît en profondeur, et la seule interdiction faite aux agriculteurs est de ne pas arroser le dimanche ! Les dernières écrevisses ne vont pas résister à la nouvelle baisse de niveau qui va se poursuivre tout l’été. À force, les Mauves ne se remettent pas, et la biodiversité diminue à vue d’œil. On aimait ces rivières, et elles meurent … »
La complainte est la même dans pratiquement tout le département. La rivière Loiret, qui a donné son nom au département, ne coule presque plus, découvrant ses 14 kilomètres de berges désolées. Nulle subvention ne pourra rien y faire : une cinquantaine de départements sont en train de perdre leur biodiversité aquatique. Quelques éleveurs seront sauvés par une « solidarité » soigneusement mise en scène par les céréaliers, que les riverains des Mauves pourtant montrent du doigt. Mais qui préservera des milliers de rivières dont la perte sera souvent irrémédiable ?

Écologie
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