Mieux vaudrait que l’Arabe ne vote pas

Sébastien Fontenelle  • 1 septembre 2011 abonné·es

À la toute fin du mois de juillet dernier, Jean Daniel, éditorialiste fameux au Nouvel Observateur, fit sur son blog un billet, pour constater — gros scoop — que  « le massacre perpétré » quelques jours auparavant « à Oslo par un illuminé » était « un événement d’une gravité exceptionnelle ». Sa conclusion fut que « le crime des crimes », aux yeux de ce terroriste, était « bien la diversité », et que c’était par conséquent « sur cette notion » qu’il fallait « s’attarder » — le temps de se demander, par exemple : « Dans quelles circonstances cette diversité peut-elle poser des problèmes, susciter des allergies qui deviennent des préventions et des préjugés  qui se transforment en une intolérance radicale», mâme Dupont ?


Jean Daniel, pudique, négligea de (se) demander, au passage, si le massacreur islamophobe d’Oslo, s’inquiétait, comme lui, de « la connivence secrète des musulmans avec les terroristes même quand ils les désavouent publiquement »  [^2] — mais promit, en revanche, que son hebdomadaire publierait sous vite, sur de tels sujets, « un entretien éclairant avec le grand islamisant Bernard Lewis ».

Et de fait, le Nouvel Obs vient de nous gratifier, un mois plus tard, de l’ « entretien » annoncé, assorti d’une très courte notice biographique où n’est mentionné nulle part que ledit « grand islamisant Bernard Lewis » fut l’un des penseurs préférés du bushisme croisadeux — il a récité naguère « que l’invasion de  » l’Irak par les Yankees « ferait naître une aube nouvelle »« les troupes américaines seraient accueillies en libératrices »  [^3] — et que Noam Chomsky le tient pour un « vulgaire propagandiste »  : le gars est plutôt présenté comme un sobre « historien, spécialiste de l’histoire de l’islam et de ses rapports avec l’Occident ».

Et de fait aussi : c’est, comme promis par Jean Daniel, un « entretien éclairant » — pour ce qu’il révèle de la sale petite musique qui fait dans notre sale petite époque un constant bruit de fond.


**Ainsi : Bernard Lewis assure que* « procéder à des élections »* démocratiques « de type occidental dans des pays arabes ou musulmans peut se révéler dangereux », car cela pourrait aboutir « à une confiscation du pouvoir par des extrémistes religieux ». (Comme à Gaza, genre, où ces gros salauds d’Arabo-mahométan(e)s ont profité qu’on les avait autorisés à voter librement pour élire l’Hamas, aaah, putain, ces gens sont vraiment confits dans une médiévale petitesse.) Puis de répéter, pour si t’aurais pas compris : « Des élections libres à l’occidentale risquent surtout d’amener au pouvoir les Frères musulmans, ou d’autres qui leur ressemblent. » (Alors que chez nous, elles amènent, nonobstant qu’il a réuni moins de voix qu’Al Gore, le très laïque George W. Bush : conviens que c’est plus civilisé ?)


« La diversité »  ? D’accord, Hector. Why not ? Mais à condition de ne pas distribuer trop d’élections libres aux fil(le)s d’Allah, qui en font un usage trop peu texan.


[^2]: Le Nouvel Observateur, 16 novembre 2004.

[^3]: « Bernard Lewis et le gène de l’islam », par Alain Gresh, le Monde diplomatique, août 2005.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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