Le « forum des peuples » s’invite à Nice

Entre 5 000 et 15 000 altermondialistes sont attendus à Nice ce mardi pour le contre-sommet du G20. Une gageure dans la ville de Christian Estrosi, partagée entre la droite et l’extrême droite. Reportage.

Erwan Manac'h  • 1 novembre 2011
Partager :
Le « forum des peuples » s’invite à Nice
© Photos : Erwan Manac'h

Dans un petit local chargé d’odeurs , les militants s’affairent à quelques heures du lancement de « l’anti-G20 ». Aux fourneaux ce lundi, Geneviève Legay ne lève pas ses yeux des omelettes qu’elle moule à la chaîne. Mardi, ** entre 5 000 et 15 000 manifestants sont attendus selon les organisateurs, pour quatre jours de rassemblement dédiés aux questions financières. Sans cesse interrompue par des questions logistiques, la militante niçoise essaie de revenir sur le long et incertain travail du collectif d’organisation qui s’est regroupé il y a un an : « Que ce soit le maire de Nice, Christian Estrosi, ou le président du Conseil général des Alpes-Maritime, É ric Cioti, les collectivités ont freiné des quatre fers face à toutes nos sollicitations. Depuis septembre, la mairie ne donnait aucune réponse à nos demandes de salles et le département ne nous a jamais répondu pour les gymnases. Il a ensuite fallu batailler pour avoir l’eau ou l’augmentation de l’électricité dont nous avons besoin. »

Toute la semaine, Erwan Manac'h sera présent à Nice et à Cannes, au contre-sommet puis au G20. Suivez-le en direct sur son compte Twitter, @emanach.
Ce mardi à 15h, un cortège unitaire ouvrira quatre jours d’actions militantes variées, en marge du sommet des chefs d’États du G20 qui se tiendra à Cannes les 3 et 4 novembre. Happening pour la taxe Tobin, débat de rue, opération « désinfection des banques », manifestation contre les paradis fiscaux à la frontière monégasque, baignade militante… la ville de Christian Estrosi va prendre durant quatre jours des couleurs qui lui sont étrangères.

Les demandes des organisateurs ont même créé un « vrai-faux conflit » entre la ville de Nice et l’État, représenté par un « préfet G20 » nommé spécialement pour l’événement. Devant l’absence de réponse du département, la préfecture a finalement réquisitionné un gymnase pour loger les manifestants. « Ici, les pouvoirs locaux se foutent de l’État, explique Nikolaz, salarié du collectif d’organisation du sommet et militant à Attac *. Nous avons bien senti, lors des réunions en préfecture, que le préfet n’avait aucune influence sur la volonté de Christian Estrosi et d’Éric Cioti »* . Malgré lui et après des semaines de tergiversations, le maire de Nice a finalement autorisé l’utilisation des anciens abattoirs en cours de réhabilitation (voir photo) pour le concert du premier soir et les débats du forum des peuples, mercredi et jeudi. «  Ç a s’est fait au tout dernier moment , souffle Nikolaz, la mairie maintenait une pression constante. Elle nous obligeait à bosser dans l’urgence. »

Illustration - Le « forum des peuples » s'invite à Nice

Un « forum des peuples »

Depuis un an, un collectif d’une trentaine de militants s’est réuni à Nice avec le soutien de la coordination nationale. Dans l’hostilité d’une ville où la droite est en concurrence avec l’extrême droite, ces citoyens veulent croire que la « voix des peuples » sera audible, face aux chefs d’État des 20 pays les plus riches de la planète. «Les choses changent, espère Daniel Dalbera, militant niçois et ancien député PC de Paris, au milieu du va-et-vient des journalistes venus prendre quelques images *. L’économie a toujours été quelque chose d’incompréhensible, mais aujourd’hui les gens découvrent les agences de notation, elle se questionnent sur les intérêts qu’elles représentent. Alors dans ce contexte, c’est forcément enthousiasmant de nous voir réunis dans une ville qui représente un laboratoire du sarkozysme. »*

« Ah! Nice Menteur arrive , s’interrompt l’ancien parlementaire communiste passé à la Fase il y a deux ans, en jetant un oeil au quotidien local. Nice Matin… ils sont de plus en plus racoleurs, toujours plus focalisés sur la sécurité ». «Il faut voir en plus la campagne que la mairie a mené contre nous pendant un an, avec les médias à leur solde », abonde Geneviève Legay.

En 2000, le rassemblement des opposants au traité européen de Nice avait réuni 50 000 personnes. Et le souvenir d’une fin de cortège agitée a alimenté la psychose avant la tenue du contre-sommet de cette semaine. Les commerçants ont reçu la visite des polices nationale et municipale, qui les ont priés de fermer leurs rideaux au passage du cortège ce mardi. Les pompiers ont effectué des manœuvres d’entrainement spéciales et la baignade a été interdite toute la semaine. Ces vieux souvenirs ravivés s’ajoutent aux violences en Italie il y a 15 jours et à un contexte social tendu. Tous les regards devraient donc malheureusement être tournés, mardi après-midi, vers l’arrière du cortège. Au risque d’éclipser les questions de fond auprès du grand public.

Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

« Au Soudan, il faudra bien, tôt ou tard, imposer un cessez-le-feu »
Entretien 7 novembre 2025 abonné·es

« Au Soudan, il faudra bien, tôt ou tard, imposer un cessez-le-feu »

Clément Deshayes, anthropologue et chercheur de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et spécialiste du Soudan, revient sur l’effondrement d’un pays abandonné par la communauté internationale.
Par William Jean et Maxime Sirvins
Comment la guerre au Soudan révèle les failles du contrôle mondial des armes
Soudan 7 novembre 2025 abonné·es

Comment la guerre au Soudan révèle les failles du contrôle mondial des armes

Les massacres commis à El-Fasher illustrent une guerre hautement technologique au Soudan. Derrière le cliché des pick-up dans le désert, une chaîne d’approvisionnement relie Abou Dabi, Pékin, Téhéran, Ankara et même l’Europe pour entretenir l’un des conflits les plus meurtriers de la planète.

Par William Jean et Maxime Sirvins
Pour en finir avec la centralité du travail
Travail 6 novembre 2025

Pour en finir avec la centralité du travail

Alors que le travail génère souvent de l’insatisfaction, en prise à des conditions toujours plus précaires, il reste présenté comme une valeur indépassable dans nos vies. Une centralité qui semble anachronique avec la catastrophe écologique, selon l’économiste Alain Coulombel.
Par Alain Coulombel
Expulsion illégale : une famille porte plainte contre le préfet des Hautes-Alpes
Enquête 5 novembre 2025 abonné·es

Expulsion illégale : une famille porte plainte contre le préfet des Hautes-Alpes

Une plainte pour « abus d’autorité » a été déposée contre le préfet des Hautes-Alpes par une famille expulsée illégalement en septembre. Celle-ci était revenue en  France traumatisée et la mère avait fait une fausse couche, attribuée au stress causé par l’expulsion.
Par Pauline Migevant