Procès des pirates somaliens

Claude-Marie Vadrot  • 24 novembre 2011 abonné·es

Serrés les uns contre les autres dans le box des accusés de la cour d’assises de Paris, réunis pour la première fois depuis leur incarcération, les six « pirates » somaliens semblent vivre encore dans un autre monde. Il y a plus de trois ans, ils ont été, pour certains, capturés sur le voilier le Carré d’as , qu’ils avaient pris d’assaut, pour d’autres, rattrapés sur le sol somalien, alors qu’ils tentaient de s’enfuir, par un commando de l’armée française…

Pirates sans doute, mais également victimes du désordre d’un pays qui n’a plus de gouvernement depuis vingt ans. Le Président, les ministres et les parlementaires résident la plupart du temps au Kenya, et leur autorité ne dépasse pas quelques quartiers de la capitale, Mogadiscio, ville aux trois quarts détruite. Aux combats incessants s’ajoutent la sécheresse, qui achève de détruire la société traditionnelle, et la pollution côtière provoquée par le déversement illégal de milliers de tonnes de déchets toxiques. Ce qui, avec la concurrence des bateaux de pêche industrielle travaillant impunément au large, achève de priver les pêcheurs traditionnels de revenus.

Condamnés à l’isolement, ces premiers accusés somaliens n’ont eu aucun contact avec leur famille. L’un d’eux, Cheik Nour, a donné des signes aigus de « psychose carcérale » six mois après son arrivée : « Il est apaisé par l’administration de neuroleptiques, a précisé un psychiatre à la barre, mais seul un retour dans sa famille et dans son pays lui ouvrirait une perspective de guérison. »

Lors de sa plaidoirie, le 30 novembre, Me Lévy a insisté sur le désarroi des accusés et sur cette interminable guerre qui les a contraints à s’engager comme pirates. L’avocat espère une condamnation à une courte peine qui couvrirait la détention préventive, de façon à ce qu’ils puissent vite retourner dans leur pays, auquel les Occidentaux continuent tranquillement de vendre des armes.

Société
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

L’affaire Tran, exemple malheureux d’une justice à deux vitesses
Décryptage 25 novembre 2025

L’affaire Tran, exemple malheureux d’une justice à deux vitesses

112 plaignantes, 1 gynécologue… et 11 ans d’instruction. En 2027, le docteur Tran sera jugé pour de multiples viols et agressions sexuelles. Plaintes ignorées, victimes oubliées, délais rallongés… Cette affaire témoigne de toutes les lacunes de la justice en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles.
Par Salomé Dionisi
« J’étais bloquée face à son pouvoir de médecin »
Entretien 25 novembre 2025 abonné·es

« J’étais bloquée face à son pouvoir de médecin »

Julia* fait partie des nombreuses patientes qui accusent le médecin gynécologue Phuoc-Vinh Tran de viols et d’agressions sexuelles. Treize ans après les faits, elle souhaite prendre la parole pour dénoncer les dégâts que causent les lenteurs de la justice.
Par Hugo Boursier
Elena Mistrello, autrice italienne de BD expulsée : « Ce contrôle des frontières concerne tout le monde, en premier lieu les migrants »
Libertés publiques 25 novembre 2025

Elena Mistrello, autrice italienne de BD expulsée : « Ce contrôle des frontières concerne tout le monde, en premier lieu les migrants »

Après son expulsion forcée en Italie, Elena Mistrello, autrice de BD italienne dénonce dans Politis les moyens de contrôle, de surveillance et de répression déployés par l’État contre les personnes migrantes et les militants.
Par Pauline Migevant
« Nous, victimes du docteur Tran, perdues dans les limbes de la justice »
Justice 25 novembre 2025

« Nous, victimes du docteur Tran, perdues dans les limbes de la justice »

Au terme d’une dizaine d’années d’enquête, le docteur Tran comparaîtra devant la cour criminelle du Val-d’Oise en 2027 pour 112 viols et agressions sexuelles. Dans une tribune, quarante plaignantes alertent sur les délais de la justice.
Par Collectif