Je dis ça, je dis rien

Sébastien Fontenelle  • 26 janvier 2012 abonné·es

Ce dimanche, donc – si t’es pas rentré(e) hier matin d’une longue villégiature dans les boisus tréfonds de l’Amazonie tu l’as forcément su –, François Hollande, candidat « socialiste » à l’élection présidentielle, a tenu à Le Bourget (aucun rapport avec les collants) son « premier grand meeting » de campagne, où il a, selon Nicolas 2morand, directeur du quotidien Libération (qui en a tôt lundi fait le soutenu commentaire dans un édito plein de grâce), « parlé nettement plus à gauche » qu’il n’avait jusqu’à présent fait (ce n’était certes pas difficile) – en même temps qu’il a, note aussi le patron de Libé , « récupéré sans état d’âme le concept de nation et le thème de l’insécurité[^2] » .

Bien naturellement, la question qu’alors tu te poses est la suivante : si François Hollande, pris d’un accès d’iconoclasterie vallso-rebsamenéenne, s’est ainsi coulé dans le moule nationisto-sécuritaire où les droites souchent depuis la nuit des temps leur propagande (et s’il a [donc] mis là [aussi] son pas dans celui du Kozy), comment ça se fait-il-ce qu’on le crédite chez Libé (non moins d’ailleurs que chez le Monde et quelques autres) qu’il « s’ancre à gauche[^3] »  ?

La réponse est qu’en sus de jurer que la sécurité serait sous lui pressante, Hollande a déclaré – je cite un peu longuement : « Dans cette bataille qui s’engage, je vais vous dire quel est mon véritable adversaire : il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc jamais élu. Cet adversaire, c’est le monde de la finance. » Puis de constater : « Sous nos yeux, en vingt ans, la finance a pris le contrôle de l’économie, de la société, et même de nos vies. » Sous-entendu : votez pour moi, et plus jamais elle ne recommencera.

Et tout cela est fort bien dit, mais il y a vingt ans, on était quand ? On était en 1992.

Qui était le chef du gouvernement ? Pierre Bérégovoy, qui était du (même) parti (« socialiste ») que François Hollande, et qui venait juste, durant qu’il était ministre de l’Économie (entre 1988 et 1991), de libéraliser les marchés financiers et de rénover la Bourse (à moins que ce ne soit l’inverse) – pour la plus grande joie de la finance, où l’on avait ovationné sa déterminée modernité.

Et qui était le chef de l’État, juste au-dessus de Bérégovoy ? François Mitterrand (du [même] parti [« socialiste »] aussi que François Hollande), qui venait quant à lui de passer de longs ans, sous le sceau (déjà) d’une (déjà) nécessaire austérité, à rompre d’avec le socialisme, pour mieux parachever la-victoire-du-capitalisme-dans-la-gauche.

Et avant cela – avant la trahison –, au temps qu’il n’était encore que le candidat « socialiste » pour l’élection présidentielle, qu’est-ce qu’il avait déclaré, Mitterrand, pour lancer sa campagne[^4] ? « Je suis libre au regard des forces de l’argent, que je défie d’un regard clair. »

Je dis ça ? Je dis rien. Juste : je rappelle.

[^2]: Libération, 23 janvier.

[^3]: Le Monde, 24 janvier.

[^4]: Comme l’a judicieusement relevé Nouvelobs.com.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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