Singe intérieur

Entre jungle et vie quotidienne, un album touchant et léger.

Marion Dumand  • 12 janvier 2012 abonné·es

Le cœur a deux lobes. Oui mais il ne bat que pour vous d’Isabelle Pralong aussi. Il y a d’un côté la « vraie vie », la quotidienne, rangée en cases aérées, et, de l’autre, la jungle intime, ouverte et touffue. Ils battent en alternance. Pourtant, c’est le même flux vital qui les irrigue. « Attraper son singe intérieur » , et de là grandir en sagesse, avancer dans la vie. « Tu parles d’une connerie » , s’amuse le prologue.

La gravité, Isabelle Pralong s’en méfie, quand son dessin – fort et graphique – la défie. Sur la table de la cuisine, des rondelles de légumes s’empilent en une tour improbable. Dans la voiture ou sur l’oreiller, ses cheveux s’éparpillent en étoile noire. Ici, la légèreté est équilibriste, instable, virevoltante, tombe parfois, et comment faire autrement lorsque taraudent maternité, deuil, famille ?

Alors on rit d’une orque, dragueur menaçant échoué sur la banquise. On s’amuse de blagues enfantines. On écoute dans un bar deux récits croisés : un paysan raconter le retour d’une brebis agonisante pour nourrir son petit, et l’amoureux d’Isabelle décrire l’ouverture d’ Opening Night quand Gena Rowlands arrive ivre morte un soir de première.

Après une fausse couche, après avoir trouvé son singe, Isabelle Pralong dessine cette même séquence, plan par plan. Et on s’émerveille de cette femme qui s’écroule et se relève tant de fois qu’ « on dirait une danse » , avant d’ « y aller quand même » . Où ? Sur scène, sur papier, dans sa jungle.

Littérature
Temps de lecture : 1 minute
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