En Haute-Saône, coach Copé motive les troupes

Trois jours après les annonces de Nicolas Sarkozy, Jean-François Copé était en Haute-Saône pour mobiliser les troupes UMP locales. Et redonner un coup de fouet à des élus et militants pas toujours convaincus par les choix présidentiels.

Xavier Frison  • 2 février 2012
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En Haute-Saône, coach Copé motive les troupes

Illustration - En Haute-Saône, coach Copé motive les troupes

Sans crier gare, un froid glacial s’abat sur la Haute-Saône. En ce 1er février, la météo locale se met au diapason de l’atmosphère du moment à l’UMP. Jean-François Copé, le secrétaire général du parti, est attendu ce soir-là à Vesoul puis à Corbenay, pour remotiver les troupes et faire la retape des mesures annoncées par Nicolas Sarkozy quelques jours auparavant sur les télés de France. La « séquence » en cours, commencée avec le meeting du Bourget de François Hollande le 22 janvier et pas vraiment enrayée par l’intervention du président de la République instituant la TVA sociale et la dérégulation du marché du travail, profite à plein au parti socialiste. Sans même évoquer les primaires. Depuis cette époque, « la période n’est pas évidente, il faut être très solide » , admet Jean-François Copé, à l’estrade de la salle Suzanne Parisot de Corbenay où les 700 convives du dîner républicain patientent avant d’attaquer la choucroute garnie promise.


« Courage, courage, courage, rien n’est perdu ! » , martelait quelques minutes avant le député-maire de Vesoul Alain Joyandet, venu en « vedette américaine » :

Moment d'inattention à Corbenay - Photos (article et Une) : X. Frison

« Après un mois de janvier douteux, je suis persuadé qu’il y a un mois de mai radieux », lance l’ex-secrétaire d’État devant une assemblée vieillissante, chauffée précédemment par l’autre local de l’étape, Michel Raison. « Nous avons toujours besoin de vous » , supplie presque le député-maire de Luxeuil, sans s’embarrasser de la forme. La mobilisation demandée fera « beaucoup, beaucoup de bien. Ça nous motive. » Plus martial, Jean-François Copé insiste : « Il faut tenir la ligne. (…) Je veux inviter chacune et chacun à partir au combat. (…) L’heure est grave ». Avant de calmer les ardeurs des esprits critiques en interne, invités à « redescendre sur terre » . La soirée finira en toute amitié, sur une question des organisateurs : « Est-ce que la choucroute était bonne ? » « Ouiiiiiii » , répond la foule en choeur.

Une heure avant les agapes républicaines de Corbenay, Jean-François Copé tenait un premier séminaire de motivation à Vesoul, devant 300 adhérents UMP locaux réunis dans l’enceinte du théâtre de la ville. Des troupes parfois circonspectes devant la tournure des événements. « Il était plus convaincant avant » , lâche une conseillère municipale du département qui souhaite rester anonyme en évoquant Nicolas Sarkozy. « Il n’y a pas le même élan qu’en 2007, on ne peut pas dire que ce soit bon pour l’UMP en ce moment » . Son adolescent de fils acquiesce : « Je comprends que certains soient déçus actuellement » , avant d’ajouter sous le regard approbateur de sa mère : « Mais je reste partisan de Nicolas Sarkozy ! » Seulement, ajoute madame, « il faut qu’il convainque tout le monde, il faut qu’il entraîne tout le monde, parce que sinon… » Véronique, 50 ans, conseillère municipale à Vesoul, est plus directe : « Moi je n’y croyais plus trop. Les annonces, l’histoire de la TVA sociale, je n’étais pas convaincue » . Même si cette réunion lui redonne de l’allant, la situation reste complexe : « Bon, les prix vont quand même augmenter et il va falloir expliquer qu’en baissant le coût du travail pour les entreprises cela va créer de l’emploi. Pas simple. » Au final, pour Véronique, « des gens qui ont voté Sarkozy en 2007 ne voteront pas pour lui en 2012. »

Plus fringante, la jeune garde UMP, au fond de la salle, hampes et drapeaux en main, veut croire à la victoire. « On est très optimiste » , souffle Priscilla Borgerhoff, responsable adjoint des jeunes populaires du Doubs. « Les annonces de dimanche ont été très rassurantes, et Sarkozy reste le meilleur candidat » , estime cette petite brune de 22 ans au style tailleur chic-sac Vuitton. À l’évocation de la TVA sociale, l’argumentaire se fait moins sûr : « Ce ne sera pas facile à faire passer mais on va essayer » . Sur l’aspect éventuellement « repoussoir » du président sortant sur une partie de l’électorat de 2007, pas d’inquiétude : « Les Français sont assez intelligents pour ne pas se priver de voter Nicolas Sarkozy au prétexte que sa personnalité peut en irriter certains. Cela joue sur sa cote de popularité mais au moment de mettre le bulletin dans l’urne il sera écrit Sarkozy dessus » . Élodie Oudin, 21 ans, plus jeune conseillère générale de France à l’UMP, est elle remontée à bloc : « Les annonces de Nicolas Sarkozy sont très facile à défendre : il faut réduire le coût du travail en France. Et pour défendre ces idées, Sarkozy reste le meilleur » .

Au micro, Jean-François Copé assure le service après-vente du président en bon VRP de luxe. C’est « une visite de management, pour motiver les troupes, remonter le moral » , explique Alexandre Lacroix, délégué de la première circonscription pour la Haute-Saône à l’UMP. Et ça, le patron sait faire. On commence d’abord par évoquer les douloureux soirs de défaite, quand le regard de l’entourage change en un éclair face au perdant. Comme au soir des législatives à Meaux, en 1997, par exemple : « J’ai vu alors que l’aptitude au commandement, ça voulait dire tenir dans les moments difficiles. Quand tout va bien on est au milieu des troupes, quand tout va mal on est au devant. » La métaphore est à peine voilée : malgré la période difficile, à moins de 100 jours du second tour de la présidentielle, aucun défaitisme ne sera toléré. Quant à la « famille » UMP, rien à craindre, elle est « rassemblée » . « Vous n’entendez pas de schisme quelconque, résume un peu vite le secrétaire général du parti. Ce qui nous rassemble est supérieur à ce qui nous divise. Evitons les querelles de personnes, n’ayons qu’une idée en tête : faire gagner le président et nos députés. » Dans un périlleux exercice d’auto-persuasion, Jean-François Copé ose même : « La dynamique est en fait chez nous (…). L’objectif du moment ? « Partir à la bataille pour convaincre les Français qu’il n’y a pas d’autre chemin que celui que nous proposons. » Et pour faire la guerre, en plus d’une foi inébranlable, il faut des munitions. Ici, les « éléments de langage » de l’UMP : « Courage », « vérité », Hollande candidat « à l’ancienne », spécialiste du « matraquage des classes moyennes ». En résumé, face au candidat PS, seul adversaire cité tout au long de la soirée, « Nicolas Sarkozy est le seul qui peut tenir la maison France » .

Au sortir du Copé show de Vesoul, après une vibrante marseillaise, les adhérents UMP semblent ragaillardis. Une grande blonde quinquagénaire au manteau de fausse fourrure se dirige vers la sortie, laissant dans son sillage un parfum capiteux : « C’était super » . Dans sa tête résonnent peut-être ces mots prononcés par Alain Joyandet, en introduction à la prestation de Jean-François Copé : «  On a besoin d’aide pour tous ceux qui aiment leur travail, et qui se lèvent tôt en général » .

De notre envoyé spécial, Xavier Frison


Politique
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