Hollande, adversaire trop poli ?

Le candidat socialiste peine à prendre la main sur un Nicolas Sarkozy qui, lui, fait feu de tout bois.

Pauline Graulle  • 1 mars 2012 abonné·es

Illustration - Hollande, adversaire trop poli ?

Opération transmutation. Après un an de campagne sans adversaire, François Hollande est entré dans une nouvelle phase de communication de soi. Un deuxième acte démarré au lendemain du 15 février, quand Nicolas Sarkozy se déclarait (enfin) candidat à sa réélection au JT de TF1. Le 16 février, sur le même plateau, devant la même Laurence Ferrari, vêtu de la même « veste noire-cravate sombre » que son rival, le candidat socialiste tente un tour d’alchimie. Après avoir abandonné ses kilos en trop et son humour, il s’agit de transformer sa « mollesse » en « force tranquille ». Le plomb en or…

Sarkozy vient d’épingler Hollande sur ses « mensonges »  ; celui-ci prend de la hauteur : « Je ne veux pas rester sur des pugilats. » En face du candidat de la peur, l’homme de la synthèse avance son aptitude à rassembler : « Je ne veux pas ­diviser. Je n’oppose personne […], j’évite de trouver un bouc émissaire. » Il dénonce un quinquennat empreint de « brutalité, [d’]une forme de méchanceté » .

Sarkozy le méchant, Hollande le gentil. Comme il y a le bon et le mauvais flic ? Il y a de cela dans ce pas de deux politique. Quand le Président sortant donne de grands coups de barre à droite ou attaque ad hominem, Hollande fait montre d’un flegme à toute épreuve, laissant à son staff le soin de répliquer aux agressions d’un blitzkrieg sarkozyste.

Jouer la carte de la sérénité versus la suragitation. Mais sans verser dans l’immobilisme : « Je ne suis pas dans le statu quo » , explique François Hollande, qui ne dit toute­fois pas « dans quoi » il est… Car, sur le fond comme dans la forme, il s’agit, surtout, de ne se mettre personne à dos. On est loin du « je n’aime pas les riches » , prononcé en 2006, et qu’Hollande dit aujourd’hui regretter. Une stratégie « habile » estime la journaliste Marie-Ève Malouines, qui note dans son dernier ouvrage, la Force du gentil (JC Lattès), que « les UMP s’agacent devant cet adversaire tellement lisse et falot qu’il en devient insaisissable » .

Mais le candidat sans aspérités commence à agacer aussi à gauche : « Le côté “prince de l’esquive” va finir par se voir. Il n’y a que Dujardin qui peut gagner un oscar sans parler » , ricanait récemment un cadre PS dans Libération (22 février). Sur BFM-TV, la rédac chef du Point , Sylvie Pierre- Brossolette, fait mine de s’inquiéter de l’attitude peu offensive de son invité : « Est-ce que vous allez pouvoir durer deux mois en étant si poli ? »

La question est plutôt de savoir si Hollande réussira à dépasser l’image d’ « exact négatif » de Sarkozy. À se détacher du concept de « président normal » qui n’a de sens que par opposition au ­­ « président anormal » .
Dans son ouvrage Changer de destin (Robert Laffont) paru le 23 février, au lendemain du passage de Nicolas Sarkozy sur France 2, Hollande affirme : « Je ne me détermine pas par rapport à un autre ou en référence à un modèle. » Ses écrits, pourtant, sont truffés de référence à son anti­modèle : « Le Président ne doit pas être au four et au moulin », « la retenue est préférable à l’excès » , « je n’aime pas l’exhibition » … Pour la construction d’une identité propre, ce n’est pas encore gagné.

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