L’info politique à l’ère Twitter

Comment les réseaux sociaux influencent-ils la production de l’information politique ? Comment les journalistes s’approprient-ils ces outils ? Entre la vérification de l’info par plusieurs sources et les dangers d’une exposition publique…

Pauline Graulle  • 8 mars 2012 abonné·es

Illustration - L’info politique à l’ère Twitter

Révolu, le temps où les journalistes attendaient que tombent les dépêches AFP ? Leurs yeux sont désormais rivés sur Twitter. Des révolutions arabes aux images de Nicolas Sarkozy ­chahuté à Bayonne, en passant par les bisbilles entre chroniqueurs politiques et militants de base, le réseau bruisse d’une information en continu, instantanée, interactive et ­multisources. De l’ouvrière de Lejaby au ­président de la République, chaque twittos* est théoriquement à égalité devant la règle des 140 caractères.

La question est de savoir comment travailler dans – et avec – ce flux incessant… « Sur Twitter, je suis abonnée à des politiques dont j’utilise les tweets dans mes papiers* , raconte Estelle Gross, journaliste politique au Nouvel Obs . Quand j’assiste à un meeting, cette fois, c’est moi qui live-tweete des photos et les phrases prononcées à la tribune, comme un mini-reportage. »*

D’autres, notamment les grands noms du PAF, ont davantage tendance à inonder le réseau de leurs remarques acerbes ou ironiques. Quitte à sortir de leur rôle. « Page 22 de son livre, Changer de destin, François Hollande écrit : “Il faut aussi des riches dans la société.” Pour les taxer à 75 % ? » , tweete Jean-Michel Aphatie, l’interviewer star de RTL.
« Tout le monde n’est pas dans le commentaire , relativise Samuel Laurent, journaliste politique au Monde . Au contraire, Twitter favorise un journalisme de faits. »

Média idéal pour le factchecking*, Twitter incite à la construction collaborative – donc plus objective ? – de l’information : « De plus en plus de journalistes tweetent les infos qu’ils collectent pendant qu’ils écrivent leur papier » , rapporte Bastien Hugues, journaliste au site francetv.fr. Un « work in progress » qui a pour vertus la covérification de l’information par plusieurs sources et la « mise en feuilleton de l’article avant publication pour accrocher les lecteurs » .

Mais tweeter n’est pas qu’une partie de ­plaisir. Bastien Hugues évoque ainsi le risque permanent de l’ « humiliation publique »  : « Sur Twitter – et c’est salutaire ! –, il faut réfléchir à deux fois avant de poster une info. Si on publie une bêtise, on ne va pas recevoir un courrier de lecteur que l’on pourra ranger discrètement dans un tiroir de bureau : tout le monde le verra et réagira aussitôt. Au fond, la nouveauté avec les médias sociaux, c’est que le journaliste descend en personne dans l’arène » .

Une arène où les politiques ne se privent pas d’interpeller directement leurs interlocuteurs. Voire de les admonester. Une info diffusée par le Nouvel Obs ne sied pas à Nadine Morano ? « Totalement faux et grotesque. Vérifiez vos infos » , balance-t-elle sans ambages à l’adresse de @LeNouvelObs. « L’avantage de la communication en ligne est qu’elle permet de mieux cibler les messages en fonction de l’interlocuteur » , glisse Vincent Feltesse, le communicant web du candidat Hollande.

« Avant, les hommes politiques téléphonaient aux journalistes ; aujourd’hui, ils tweetent… Le journaliste n’est pas plus au cœur d’une lutte d’influences sur la toile qu’en dehors » , estime Bastien Hugues. « Sur Twitter, les politiques se font bousculer, tout le monde est à égalité » , veut croire Samuel Laurent qui juge que la spontanéité des échanges canalise les stratégies de communication.

Reste que la rapidité des rapports entre journalistes et politiques n’aide pas à prendre le temps de la réflexion. Que penser de ce tweet de Nathalie Schuck : le 21 février, alors que Nicolas Sarkozy veut se montrer comme le « candidat du peuple » , la journaliste du Parisien poste, sans analyse, une photo du candidat entouré de travailleurs tout sourire à Rungis. Relais d’information ou de… communication ?

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