Rendez-nous le natif de Sétif

Sébastien Fontenelle  • 8 mars 2012 abonné·es

Cette semaine, l’hebdomadaire Marianne (où l’anticonformisme s’hisse régulièrement vers des hauteurs nouvelles) publie un looooong papier sur « ces matières qu’on ne peut plus enseigner à l’école » , mâme Dupont – rapport, z’aurez deviné, à tous ces « musulmans » (et à quelques « protestants évangélistes »  [^2], aussi) qui font style : Darwin ? Connais pas, sais pas qui c’est, veux pas n’entendre parler. Le Coran dit que les petits nenfants naissent dans les baklavas, alors laissez-nous tranquilles, chien(ne)s de profs infidèles, avec vos sciences pleines de quéquettes.

Marianne produit notamment, pour documenter son propos, le témoignage d’un ressortissant de l’Association des professeurs d’histoire et de géographie de l’enseignement public [^3] qui déclare, ouvrez les guillemets : « J’ai des collègues qui disent aux élèves ce qu’ils croient qu’ils ont envie d’entendre. Par exemple, quand ils enseignent la colonisation à des classes majoritairement composées de jeunes issus de l’immigration [^4], ils n’évoquent que les aspects négatifs. C’est une vision caricaturale de l’histoire, car la réalité est bien plus nuancée. Mais certains croient que la paix sociale est à ce prix… »

Donc – je t’explique, pour si t’aurais pas compris : le gars déplore que d’aucun(e)s, dans ses pair(e)s, mettent au nombre de ces-matières-qu’on-ne-peut-plus-enseigner-à-l’école (depuis que l’école est saturée d’un public dont l’aïeulat n’était pas d’antique souche vergnate) les aspects pas négatifs de la colonisation.

Ou, si tu préfères : ses aspects positifs – comme disait l’autre, quand l’autre a levé le doigt pour proposer à ses teupos du Parlement l’adoption, sur ce sujet, d’une loi un peu iconoclaste (ou si qu’on va encore se laisser tyranniser longtemps par les repentistes) ?

S’en peut déduire que, si qu’on n’avait pas tous ces bariolés personnages d’on ne sait trop quelle génération qui viennent (gratuitement) jusque dans nos établissements scolaires importuner nos profs et nos compâââgnes, on pourrait enseigner en paix une histoire bien tempérée – bien « nuancée » – de la colonisation, où le rappel qu’il a (certes) pu arriver que nous nous montrions des fois (et par mégarde) un peu rugueux dans nos rapports avec les natifs de Can Tho (ou de Sétif) serait heureusement équilibré par celui qu’en même temps que nous admonestions (gentiment) le nhà-quê, nous lui construisions (n’en déplaise aux terroristes du bien-penser) d’élégantes voies praticables, et le dotions d’une solide culture générale – car à l’époque, reconnaissons-le, l’indigène était beaucoup mieux discipliné qu’il n’est today, et ne se serait jamais permis de remettre en cause les nuances du corps enseignant : c’était le bon temps, mâme Dupont.

[^2]: Du genre qui joue du gospel, voyez ?

[^3]: Si t’arrives à le dire vingt-sept fois de suite sans reprendre ta respiration, envoie-moi la vidéo, que je me marre.

[^4]: Le gars a fait troisième au dernier concours d’euphémismes de Broutevallon-sur-Trifoule (Meuse-et-Tarn).

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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