Le traité Merkozy divise la gauche

Le PCF, le PG et Attac craignent que le PS ne ratifie le pacte budgétaire européen au « forcing ».

Michel Soudais  • 28 juin 2012 abonné·es

C’était l’une des promesses de campagne de François Hollande. Mais la renégociation du pacte budgétaire européen n’aura finalement pas lieu. L’accord passé entre les dirigeants du SPD, les Verts allemands et Angela Merkel en a définitivement éloigné toute perspective. Et les quelques mesures de relance budgétaire concédées par la chancelière lors du mini-sommet de Rome ne sont pas de nature à compenser les effets d’un traité conçu pour corseter définitivement les politiques économiques. De quoi alarmer une partie de la gauche.

Selon Jean-Luc Mélenchon, François Hollande et son gouvernement ont tout bonnement « capitulé ». Ils « viennent d’accepter la règle de Mme Merkel, qui, en plus, se fiche d’eux », a déclaré le coprésident du Parti de gauche sur Europe 1 dimanche. Lors du sommet européen des 28 et 29 juin, « on aurait dû poser sur la table la nécessité de renégocier le traité de discipline budgétaire, eh bien, c’est ce jour-là que Mme Merkel décide de faire passer au Bundestag, avec l’appui des socialistes allemands, le traité tel qu’il est », relève-t-il. L’ex-candidat du Front de gauche à la présidentielle y voit une « victoire par K.-O. du gouvernement allemand CDU-CSU contre le gouvernement socialiste français ». François Hollande « est en train de se faire avoir mais avec son consentement », estime encore l’eurodéputé en qualifiant de « mystification » l’accord conclu vendredi à Rome entre la France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie pour le déblocage de 120 à 130 milliards de fonds européen en faveur de la croissance, et l’adoption restreinte de la taxe sur les transactions financières. Quatre jours auparavant, en clôture d’une conférence nationale du PCF qui venait de rejeter à la quasi-unanimité toute participation au gouvernement, Pierre Laurent avait solennellement mis en garde le chef de l’État contre une ratification du traité qui ressortirait « intact » du sommet européen : « Nous ne pouvons pas avoir chassé Sarkozy et gouverner demain avec le traité Sarkozy-Merkel. »

Le numéro un communiste invitait François Hollande à entendre l’appel publié le matin même dans Libération (20 juin) par les responsables nationaux des jeunes socialistes français, autrichiens, espagnols et allemands. « Nous exhortons nos “partis pères” à ne pas ratifier le traité dans sa forme actuelle », écrivent Thierry Marchal-Beck (MJS), Wolfgang Moitzi (SJÖ), Marcelino Torre Canto (JSE) et Sascha Vogt (Jusos in des SPD). « Le pacte budgétaire pose la dernière pierre » d’une politique imaginée et conduite par les conservateurs et libéraux qui, dans la dernière décennie, ont « utilisé l’échelon européen […] pour mieux imposer leurs idées néolibérales », rappellent ces jeunes socialistes. Non seulement ce texte « méconnaît la plupart des causes de la crise et en aggrave les symptômes », poursuivent-ils, mais il « prive les générations futures de toute marge de manœuvre ».

Le secrétaire national du PCF s’était surtout inquiété du fait que, selon certaines informations, « la France pourrait inscrire cette ratification au Parlement dès les premiers jours de juillet ». Un tel « forcing » est aussi redouté par les signataires de l’appel « Non au pacte budgétaire, pas d’Europe sans citoyens ! ». Lancée le 19 juin, à l’initiative d’Attac et de la Fondation Copernic, cette lettre ouverte à François Hollande, signée par 120 responsables associatifs, syndicaux et politiques – mais par aucun socialiste – ainsi que des chercheurs, estime que « les dispositions du Pacte de stabilité sont contradictoires avec [l’] exigence de croissance » du président de la République et demande l’organisation d’un débat tranché par un référendum. Lundi soir, 11 500 personnes avaient signé cet appel. Signe d’une contestation qui s’étend, le même jour, Marie-Noëlle Lienemann reprenait à son compte l’exigence de référendum : « L’accord intervenu à Rome sur un plan de croissance européen de 140 milliards ne règle absolument pas la question des dettes souveraines, ni celle des eurobonds, et encore moins celle de l’inscription dans le marbre de la règle d’or qui instaure un malthusianisme dangereux et dépossède les peuples des choix macroéconomiques », note la sénatrice de Paris, qui en conclut que « plus que jamais il faut refuser la ratification de l’actuel traité Merkozy ».

Monde Économie
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