Le Tribunal Russell sur la Palestine tient sa quatrième session

Tribune. Le Tribunal Russell sur la Palestine, constitué à l’initiative d’un groupe d’intellectuels, se réunira pour la quatrième fois les 6 et 7 octobre. Il examinera les responsabilités des États-Unis dans le déni des résolutions de l’ONU pour la création d’un État palestinien.

Brahim Senouci  • 2 octobre 2012
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Le Tribunal Russell sur la Palestine tient sa quatrième session
© Brahim Senouci est membre du Comité Organisateur International

Sur le modèle de son prédécesseur sur le Vietnam, le Tribunal Russell sur la Palestine s’est constitué à l’initiative d’un groupe d’intellectuels réunis au sein d’un Comité Organisateur International. Feu Ken Coates, Président de la Fondation Russell, Leïla Shahid, Déléguée Générale de la Palestine auprès de l’Union Européenne, et Nurit Peled, Professeur d’Université, Prix Sakharov, ont lancé un appel à parrainer cette initiative. Plus de cent personnalités éminentes y ont répondu, telles Boutros Boutros-Ghali, ancien secrétaire général de l’ONU, Mohammed Bedjaoui, ancien président de la Cour Internationale de Justice, Noam Chomsky, professeur émérite au Massachussets Institute of Technology , Ken Loach, cinéaste, José Saramago et Harold Pinter, prix Nobel de littérature, Eric Cantona et Djamel Bouras, sportifs émérites, feu l’ancien président algérien Ahmed Benbella et l’ancien Premier Ministre Andries Hollandais Van Agt, Lucie et Raymond Aubrac, couple d’anciens résistants français, Maired Maguire Prix Nobel de la Paix…

Le Tribunal, constatant l’empêchement du peuple palestinien à exercer son droit à l’autodétermination, droit inscrit dans la charte des Nations Unies, se propose d’identifier les Etats ou les organisations qui concourent à cet empêchement, et de qualifier la stratégie utilisée par Israël pour vider de substance l’application de ce droit.

De nombreuses résolutions des Nations Unies (181,194…) appellent explicitement à l’établissement d’un Etat palestinien. Le 9 juillet 2004, la Cour Internationale de Justice a émis un Avis qui résume les violations du droit commises par Israël. Le 20 juillet, l’Assemblée Générale des Nations Unies vote la résolution ES-10/15 qui reprend les termes de l’Avis. Tout cela est resté lettre morte.

Deux questions se posent. La première concerne la complicité d’acteurs politiques et économiques qui ont permis à Israël de bénéficier de l’impunité. La seconde a trait au but que poursuit Israël ; son refus de toute initiative de paix sérieuse, telle celle proposée par la Ligue Arabe et accueillie avec mépris, oblige à s’interroger sur la stratégie de cet Etat.

La première session du Tribunal s’est tenue à Barcelone en mars 2010 sur les responsabilités de l’UE et de ses Etats membres. Le jury y a conclu à leur complicité dans les infractions commises par Israël dans les Territoires Occupés et les appelle à y mettre un terme. Il appelle également la société civile des Etats concernés à faire pression par tous les moyens légaux, dont le BDS, sur leurs gouvernements.

La deuxième session a eu lieu à Londres en novembre 2010, sur la responsabilité des sociétés multinationales dans le développement de la colonisation. Le jury a reconnu un certain nombre d’entre elles coupables de soutien à cette entreprise. Il a aussi émis la possibilité d’appeler à leur traduction devant les juridictions nationales des Etats dont elles relèvent.
La troisième session s’est tenue au Cap, en Afrique du Sud, en novembre 2011. Le jury y a reconnu Israël coupable de violation de la Convention sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid.

La quatrième session se tiendra à New York dans quelques jours, les 6 et 7 octobre 2012. La responsabilité des Etats-Unis dans le déni de droit et le rôle dans lequel ont été cantonnées les Nations Unies y seront examinés. Le jury rendra son verdict et qualifiera la stratégie israélienne.

En février 2013, une synthèse des sessions précédentes et une sentence définitive seront prononcées.

Les promoteurs de cette initiative ont subi des attaques. Ils ont été taxés d’antisémitisme, d’appels à la violence…, accusations trop misérables pour mériter un commentaire. Des voix pas forcément mal intentionnées expriment de la surprise devant cette focalisation sur la Palestine. Pourquoi oubliez-vous le Tibet ?, nous reproche-t-on parfois. Nous n’oublions pas le Tibet, ni le Congo… Nous pourrions même établir des similitudes entre la situation de la Palestine et celle du Tibet, deux Nations menacées de disparition et qui s’obstinent à vivre Il se pourrait même qu’au moins une partie des conclusions de la session de New York se révèle pertinentes pour Lhassa.

Les promoteurs du Tribunal Russell sur la Palestine se fondent sur l’universalité du droit. Ils refusent l’existence de corps d’exception, à l’image de celui que le Code de l’Indigénat imposa naguère aux Algériens. Ils ne croient la paix possible que si les membres de l’Humanité sont soumis aux mêmes devoirs, bénéficient des mêmes droits dont celui, le plus important, celui de vivre libres. Toute autre vision serait génératrice d’un monde troublé, perclus de Murs, surarmé, en état de guerre permanente…

Monde
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