À Évry, un élu volontaire

Le ministre de l’Intérieur a imprimé sa marque à la préfecture de l’Essonne, dont il a été le maire pendant onze ans.

Pauline Graulle  • 22 novembre 2012 abonné·es

Un jour de juin 2009, une banale brocante à Évry. Manuel Valls a oublié le micro-cravate resté accroché à sa veste : « Belle image de la ville d’Évry, grommelle-t-il à son collaborateur, tu me mets quelques Blancs, quelques White, quelques Blancos… » En une poignée de secondes, la vidéo, qui fait le tour du Web, dévoile deux obsessions du député-maire d’Évry : sa hantise du communautarisme, et sa volonté de ripoliner coûte que coûte l’image de sa ville, qui accueille le Génopole, une université et un théâtre national, mais pâtit de son insécurité.

Onze ans ont passé depuis la première élection de Manuel Valls à la tête de la préfecture de l’Essonne. Le ministre de l’Intérieur, aujourd’hui remplacé par son plus proche adjoint, Francis Chouat, mais qui était encore présent il y a quinze jours en conseil municipal, a-t-il relevé son pari dans son fief ? À Évry, où le quinqua médiatique a été réélu chaque fois haut la main, pas facile de trouver des contradicteurs. Tout juste un responsable associatif qui, sous couvert de l’anonymat, dénonce le « caporalisme » et le « clientélisme » de celui qui n’apprécie guère les contre-pouvoirs. L’habile communicant – en 2006, la chambre régionale des comptes épingle la hausse de 852 % des dépenses en pub de la commune ! – s’est attaché les associations locales à coups de subventions, a placé ses proches à la codirection des conseils de quartier, et terrassé la droite locale.

Quant à l’opposition de gauche, le chouchou de Jospin l’a accueillie dans la gauche plurielle, paritaire et bigarrée qui forme la majorité municipale. Avec des élus qui se montrent plutôt admiratifs du « volontarisme » de ce maire omniprésent, dont les enfants sont encore scolarisés dans le public à Évry. « Il a du punch, du temps, de l’envie pour sa ville, souligne Danielle Valéro, maire adjointe EELV à l’éducation. Il est très investi sur le terrain, se souvient des gens, connaît toutes les écoles. » Un « homme à poigne, qui a créé autour de lui un fort système de pouvoir, mais a su travailler en intelligence avec ses équipes », résume Jacques Picard, conseiller régional EELV en Île-de-France. Pourtant, le « vallsisme », avec ses airs sécuritaires, a tout pour faire hurler à gauche. « Il représente cette gauche qui considère qu’il n’y a pas de composante sociale dans la délinquance », analyse Jacques Picard. Avec pour corollaire le triplement et l’armement de la police municipale, la généralisation des caméras de surveillance (pour un budget de 3,6 à 5 millions d’euros, selon les sources), l’expulsion de Roms… Sans parler des combats de ce proche de Ni putes ni soumises pour faire interdire un Franprix halal dans le quartier des Pyramides, ou censurer un débat jugé trop pro-Palestinien (voir page précédente).

« Il faut bien reconnaître qu’il a changé la réputation d’Évry, lâche pourtant Christian Pigaglio, conseiller municipal PCF. Aujourd’hui, c’est une ville où il fait bon vivre. » Rien à voir, affirme de même Danielle Valéro, avec l’ambiance des années 1990, lorsque les CRS faisaient le guet à la sortie des écoles. Dans l’ancienne « ville nouvelle », passée en trente ans de 2 000 à 50 000 habitants, qui compte 15 % de chômage et accueille 50 % de logements sociaux, la rénovation des Pyramides, et aujourd’hui du quartier de Bois-Sauvage, a coûté cher mais a payé : les HLM mieux entretenus et l’embellissement de la voirie sont autant d’avancées visibles. Le combat de Valls contre l’implantation d’un magasin d’usine pour sauver les 2 500 emplois du centre commercial local a également séduit. Alors, si le volet sécuritaire de la politique de l’ancien maire peut chiffonner sur le principe, on pardonne volontiers à cette figure rassurante, qui incarne l’ordre et le pragmatisme. « Les caméras, c’est une demande des habitants, plaide Christian Pigaglio, et puis il y a eu aussi un travail de prévention… Bien sûr, ce n’est jamais assez, mais bon… »

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