Après le cafouillage, c’est oui !

À deux jours du vote sur le statut d’État observateur non-membre de la Palestine à l’Assemblée générale de l’ONU, la France a finalement décidé de soutenir la démarche palestinienne.

Denis Sieffert  • 29 novembre 2012 abonné·es

Pour l’Autorité palestinienne et son président, Mahmoud Abbas, la question n’était plus, deux jours avant l’échéance du 29 novembre, de savoir s’il obtiendrait ou non pour la Palestine un statut d’État observateur non-membre à l’ONU, mais quelle serait la position des pays européens. Une large majorité de 130 voix sur 193 était en effet acquise sur un projet de résolution qui réaffirmait par ailleurs « le droit des Palestiniens à l’autodétermination et à un État indépendant sur les territoires occupés depuis 1967 ». Mais la signification politique de ce vote sera évidemment toute différente selon que la résolution recueillera ou non les suffrages des « grands pays » européens. Or, seuls 12 pays sur 27 semblaient prêts, mardi, à accorder un vote positif. Et Catherine Ashton, la représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, a tenté le 19 novembre d’imposer l’abstention, au nom de l’unité européenne. Mais on sait que l’Espagne, l’Irlande, la Grèce étaient favorables à un vote positif, tandis que le Royaume-Uni et l’Allemagne y étaient opposés. Restait le cas de la France. Pays charnière, et longtemps « locomotive », comme nous le rappelait Leila Shahid la semaine dernière ( Politis n° 1228). De de Gaulle à Chirac, en passant par Giscard (qui a ouvert le premier bureau de représentation palestinienne à Paris) et Mitterrand (on se souvient de son discours à la Knesset en 1982, et de l’accueil d’Arafat en 1989), la France a longtemps été en première ligne.

Mais la pression des États-Unis et d’Israël, catégoriquement opposés à l’élévation du statut de la Palestine, est forte. Au-delà de la question palestinienne, l’attitude de Catherine Ashton est toutefois symptomatique des limites de cette Europe, qui se condamne à l’impuissance, et même à l’inexistence politique au nom du plus petit dénominateur commun. Finalement, après bien des hésitations, la France votera oui à la résolution déposée par Mahmoud Abbas. Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, l’a confirmé mardi après-midi, à l’Assemblée nationale. Cette bonne nouvelle met un terme à une série de cafouillages. La confusion est venue de François Hollande lui-même. Le 31 octobre, recevant le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, il avait regretté « la tentation pour l’Autorité palestinienne d’aller chercher à l’Assemblée générale de l’ONU ce qu’elle n’obtient pas dans la négociation ». Cela, à la plus grande satisfaction de son invité. Le 13 novembre, lors de sa conférence de presse, il avait mis en garde les Palestiniens contre « les risques » de cette démarche. Mais le 22 novembre, Laurent Fabius avait déjà nettement laissé entendre devant les sénateurs qu’il était en faveur d’un vote positif de la France. Le ministre des Affaires étrangères avait rappelé à la fois « l’engagement n° 59 du candidat devenu président, François Hollande », et le vote favorable du « précédent gouvernement » pour l’admission de la Palestine à l’Unesco. Laurent Fabius, qui n’avait pas apprécié, semble-t-il, le discours de François Hollande lors de la réception du Premier ministre israélien, avait ainsi rendu très difficile une éventuelle dérobade française. La grogne était d’ailleurs palpable au sein du Parti socialiste. Le député Pouria Amirshahi, représentant les Français d’Afrique du Nord et de l’Ouest, avait lancé sur twitter « une campagne de mobilisation internationale » pour soutenir la démarche de la Palestine à l’ONU. Et, samedi dernier, c’est le maire de Paris, Bertrand Delanoë, qui a souhaité que la France « soutienne activement » la démarche des Palestiniens. Une position logique, qui n’aurait pas dû souffrir l’ombre d’une hésitation, dans la mesure où la communauté internationale est incapable de proposer une autre issue, tandis qu’Israël continue d’entretenir la fable d’une négociation bilatérale « sans conditions », c’est-à-dire sans gel de la colonisation.

Par-dessus tout, Israël redoute que l’Autorité palestinienne porte la question de la colonisation du Territoire palestinien et de la répression, dont les assassinats ciblés, devant la Cour pénale internationale. Cette possibilité est l’un des attributs du statut d’observateur non-membre auquel devrait accéder la Palestine ce vendredi. Un autre argument de poids plaidait en faveur d’un vote positif : l’état de l’opinion publique. Tous les sondages réalisés récemment en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Espagne, et cités par le Guardian, révèlent que 60 à 70 % des personnes interrogées sont favorables à l’élévation du statut de la Palestine à l’ONU. La partie suivante devrait encore se jouer sur la scène internationale. Israël et les États-Unis menacent en effet l’Autorité de mesures de rétorsion financière. Ce serait la première fois qu’un État ou une entité juridique serait sanctionnée pour avoir demandé son accession à l’ONU. Si les menaces américano-israéliennes sont mises à exécution, quelle sera alors l’attitude de la France et des pays européens qui auront voté favorablement à l’Assemblée générale du 29 novembre ?

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