Écologie: le climat politique change aux Etats Unis

L’opinion publique, les journaux et les politiques sortent d’un long silence sur la question climatique.

Claude-Marie Vadrot  • 27 novembre 2012
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Écologie: le climat politique change aux Etats Unis
© Photo : AFP / Rob Casey / Image source

Alors que la question climatique n’a officiellement refait surface dans l’opinion publique que le lendemain du passage de l’ouragan Sandy sur la côte Est du pays, Barack Obama a rompu un long silence dès son discours de réélection avec quelques phrases passées inaperçues:

« Il nous faut une nouvelle législation sur le climat, car nous n’avons pas fait assez dans ce domaine. Une large discussion est nécessaire car il est clair que si nous ne faisons rien, la situation se révèlera douloureuse et coûteuse pour les générations futures. Je crois fermement que le changement climatique est une réalité et que les hommes en sont responsables » .

Le président a été attentif à l’évolution de son opinion publique et aux déboires des sénateurs ou des représentants ayant négligé le retour de cette préoccupation. Mais il n’a évoqué aucun agenda précis. Le président a d’ailleurs ajouté qu’il n’existait pas de consensus à propos d’une taxation des émissions de gaz liées aux énergies fossiles.

La Californie bouge

Pourtant, quelques jours plus tard, le Bureau de Surveillance de l’Air de Californie organisait sa première vente aux enchères de quotas de gaz carbonique. Malgré les protestations des industriels et des pétroliers, l’administration de l’État le plus peuplé des États-Unis met en application une loi adoptée douze ans plus tôt.

Avec ce commentaire de son directeur, Stanley Young :

« Ceux qui polluent le plus doivent payer plus ou bien changer de technologie. Pour la première fois, le monde des affaires va comprendre ce que cela signifie de donner un prix au carbone. Cela aidera à débarrasser la Californie et ses 38 millions d’habitants de leur dépendance aux énergies fossiles et à atteindre une économie énergétiquement plus propre » .

Les milieux d’affaires ont protesté en vain, évoquant une « taxe cachée ». Laquelle aboutira rapidement à augmenter le gallon (3, 8 litres) californien d’essence d’une moyenne de 10 centimes. Ce qui n’a pas semblé scandaliser les automobilistes concernés. Ils savent déjà que pour 2016, les émissions de chaque véhicule devront avoir diminué de 30%. Il est vrai que les autorités ont précisé que le milliard de dollars récolté chaque année par les enchères sera utilisé pour rendre les transports et les immeubles moins énergétivore.

La période électorale a souvent été l’occasion lors des scrutins locaux ou régionaux de briser le silence officiel des Républicains et des Démocrates et d’annoncer ou de mettre en œuvre des initiatives « climatiques » louées par les associations environnementales. Elles ont été évidemment qualifiées de « communistes » par les Républicains les plus extrémistes et les militants du Tea Party pour lesquels toute mesure contraignante ou incitative est une atteinte aux libertés fondamentales. Un intégrisme qui ne semble plus accepté par un nombre grandissant de citoyens américains. Y compris dans des milieux considérés comme imperméables aux menaces écologiques et climatiques.

La sécheresse fait réfléchir

Ainsi, le Président du Syndicat des fermiers américains, Roger Johnson, a évoqué ses craintes il y a quelques jours en commentant la longue sécheresse qui a frappé 2186 Comtés dans 41 Etats américains en avouant : « Nous devons prêter attention à ce nous disent les scientifiques sur l’évolution du climat car elle devient un sérieux problème pour l’agriculture. Cette année la sécheresse a touché 80 % de nos terres » . Il a également précisé que, selon un sondage, 36 % des fermiers songeraient à abandonner leur métier ou partir prématurément en retraite.

Un président lyrique…

Les journaux américains, régionaux ou nationaux, se font de plus en plus fréquemment l’écho, depuis le début de l’année et surtout depuis le mois de novembre, des inquiétudes de la population et des scientifiques. Ils accumulent les commentaires des études pessimistes surgissant par miracle des universités. Le Washington Post a publié il y a quelques jours des extraits d’un rapport du Centre National de la Recherche Atmosphérique situé dans le Colorado dont son auteur, John Fasullo, explique : « Le réchauffement sera probablement du côté de l’hypothèse la plus haute des modélisations ». Times Magazine écrit comme en écho deux jours plus tard : « Nous allons devoir faire face encore plus fréquemment à des désastres de l’ampleur de Sandy et nous ne sommes pas prêts à y faire face » . Et Barack Obama retrouve son lyrisme en déclarant : « Nous voulons que nos enfants vivent dans une Amérique qui ne soit pas menacée par le pouvoir destructeur d’une planète en proie au réchauffement » .

Le président, comme beaucoup de politiques locaux et nationaux, a interprété l’élection d’un certain Argus King en tant que sénateur indépendant du Maine en faisant campagne sur les dangers climatiques…

Reste à savoir si cela va inciter les Etats-Unis à changer leur attitude pendant la conférence climatique de Doha qui a commencé hier, le 26 novembre.

Écologie
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