Sous les difficultés, l’excellence

Le lycée Saint-Exupéry, au Val-Fourré, prépare les élèves à Sciences Po.

Lena Bjurström  • 1 novembre 2012 abonné·es

Mantes-la-Jolie, 44 000 habitants, entre pavillons de Gassicourt et barres du Val-Fourré, c’est toute une histoire sociale emblématique de l’urbanisation rapide des années 1960. En 1991, les émeutes urbaines font prendre conscience aux pouvoirs publics de l’échec de cette politique. Depuis vingt ans, une dizaine de tours du Val-Fourré ont été dynamitées. Mais ces tentatives de réhabilitation n’ont pas résolu le problème majeur de ce quartier du « bout de la ville » : un chômage massif et un sous-développement des services publics. L’initiative de l’équipe pédagogique du lycée Saint-Exupéry, situé au cœur de la cité, n’en est que plus passionnante. « Saint-Ex » fait partie des établissements ZEP qui, très vite, ont adhéré aux conventions d’éducation prioritaire de Sciences Po. Si aujourd’hui, et après bien des critiques, le bilan positif de l’expérience est unanimement reconnu, le mérite en revient surtout aux enseignants… et aux élèves.

Pour les uns et les autres, la préparation à Sciences Po, même en échappant au concours d’entrée, représente un important surcroît de travail. Les élèves cumulent parfois ces heures de cours supplémentaires avec un petit boulot en dehors du lycée. Et les profs ont dû ajouter des heures à leur emploi du temps hebdomadaire. En échange, l’Éducation nationale leur alloue généreusement une somme équivalent à 50 heures. « Cela représente à peine un mois de travail », regrette Nathalie Coste, coordinatrice de l’équipe. Depuis 2010, la communauté d’agglomération de Mantes-en-Yvelines subventionne l’opération à hauteur de 10 000 euros. Mais le dispositif est maintenant connu au sein du lycée. « Auparavant, les quelques élèves qui s’inscrivaient étaient considérés comme des bêtes curieuses, des intellos. Aujourd’hui, chacun a compris qu’il peut tenter sa chance », estime Nathalie Coste.

Cette année, ils sont 26 à avoir tenu bon ; ils étaient 70 à la première réunion d’information. Nabil est déterminé : « Pas question d’avoir fait tout ça pour rien. » Pour Marine, en revanche, l’école n’est qu’un chemin possible : « Sciences Po, c’est pour le prestige. Si j’y suis admise, c’est bien. Mais je fais surtout cette formation pour elle-même, parce qu’elle donne plus de possibilités. » À l’arrivée, la moitié des candidats entreront à Sciences Po, les autres se dirigeront vers les universités. Le 24 octobre, Pascal Boniface, directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques, et ancien élève de « Saint-Ex », est venu donner une conférence devant l’ensemble des terminales sur « les mutations stratégiques mondiales », et aider les candidats à choisir leur sujet de revue de presse : Liban, Syrie, Chine et Afrique, pauvreté aux États-Unis, narcotrafiquants au Mexique, mariage homosexuel et crise financière. Pendant la conférence, la salle était attentive. À peine si quelques tweets distrayaient l’assistance. Pour l’équipe enseignante, le dispositif a créé une émulation. « Il permet d’enseigner autrement, explique Laurent Gayme, professeur d’histoire-géo. On pousse les élèves à parler devant les autres et à argumenter. Et ils en parlent à ceux qui ne suivent pas la formation. » Pour Nathalie Coste, « l’intérêt de quelques-uns crée une dynamique d’ensemble ».

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