Le capitalisme de dividendes

Jean Gadrey  • 20 décembre 2012 abonné·es

Le graphique qui suit s’inspire de celui de Michel Husson (site : http://hussonet.free.fr/) sur les dividendes nets versés par les sociétés non financières (SNF) en pourcentage des salaires. Ici, on prend le pourcentage de la valeur ajoutée, mais l’histoire racontée est la même : celle d’un hold-up aussi légal que funeste pour la société.

Illustration - Le capitalisme de dividendes

Les « sociétés non financières » (sociétés autres que les entreprises individuelles) pèsent 1 000 milliards d’euros en 2011 en termes de valeur ajoutée, soit la moitié du PIB. Pendant les Trente Glorieuses, période de nette réduction des inégalités, la part des « dividendes et assimilés » dans la valeur ajoutée a diminué pour atteindre 4 % et moins dans les années 1960 et 1970. Pendant 25 ans, de 1964 à 1989, ce pourcentage est resté inférieur ou égal à 4 %. Ensuite, il a commencé à battre des records historiques. La crise récente s’est traduite, depuis 2008, par une seule année de repli très relatif (2010), et, dès 2011, la hausse a repris. On a atteint 9 % de la valeur ajoutée. Soit un montant de 90 milliards d’euros en 2011.

Tout se passe comme si les grands actionnaires, considérant que la valeur boursière de leurs actions était trop volatile, avaient décidé de s’octroyer massivement des revenus plus stables, contrôlés par eux : les dividendes. Selon le Medef, les « investisseurs » sont des preneurs de risques. Ils sont manifestement devenus des « risquophobes », de purs rentiers ayant pour l’instant le pouvoir d’augmenter sans cesse le pouvoir d’achat de leur rente, alors même que la crise s’aggrave.

Il devient de plus en plus urgent, selon les termes de Keynes, d’euthanasier les rentiers, en récupérant, d’une façon ou d’une autre, une bonne moitié de ces dividendes excessifs, disons 50 milliards d’euros par an, pour les réorienter vers des investissements d’utilité écologique et sociale, publics et privés, mais dans un cadre planifié. L’austérité pour les dividendes et les superprofits fait partie des solutions à la crise. ≤≥

Économie
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