Main basse sur l’eau publique

La Commission européenne tente d’accélérer la privatisation de la gestion des services de l’eau.

Thierry Brun  • 20 décembre 2012 abonné·es

Symbole de la volonté de la Commission européenne et de la Troïka (Banque centrale européenne, FMI et Union européenne), la privatisation de la gestion de l’eau a commencé en Grèce par les villes de Thessalonique et d’Athènes. Les sociétés Eyath et Eydap, qui gèrent respectivement le service public de l’eau des deux villes, feront l’objet d’un appel d’offres international début 2013. C’est ce qu’a indiqué récemment le ministère grec des Finances, qui a bouclé le cadre réglementaire de cette privatisation. « L’appel d’offres devait être lancé en avril 2013, mais il a été récemment avancé au mois de janvier », s’inquiète Gabriella Zanzanaini, la représentante européenne de l’ONG américaine Food & Water Watch.

Cette organisation, avec le mouvement pour l’eau en Grèce (Save Greek Water), la Fondation Danielle Mitterrand-France Libertés et la Coordination eau Île-de-France, a tiré le signal d’alarme sur les pressions exercées par la Commission européenne, qui « encourage la privatisation des services de l’eau ». Les ONG de défense des droits pointent une « politique contestable », qui « va à l’encontre de la tendance générale en Europe et dans le monde. En effet, les retours à une gestion publique des services de l’eau sous la pression des citoyens prennent aujourd’hui une place prépondérante ». La crise est cependant un formidable levier pour la privatisation des services publics en Europe, estime la Commission européenne. La privatisation « contribue à la réduction de la dette publique  […], accroît les performances des entreprises et, par extension, la compétitivité de l’économie, en rendant attractifs les investissements directs étrangers », a déclaré la direction générale des Affaires économiques et financières de la Commission dans une lettre du 26 septembre, en réponse aux demandes de la société civile concernant les services de l’eau. Des « arguments néolibéraux », ont protesté João Ferreira et Jean-Luc Mélenchon, deux députés européens de la Gauche unitaire européenne (GUE), via une question orale déposée le 7 novembre.

Les écologistes européens ont, de leur côté, adressé une question écrite à la Commission, qui, depuis le mois de septembre, ne répond pas aux interrogations des parlementaires. Ni d’ailleurs à la société civile grecque, qui a lancé une pétition contre la privatisation de l’eau, cosignée par des salariés d’Eyath et d’Eydap. La mobilisation des ONG s’est étendue au Portugal et à l’Italie, auxquels la Troïka impose de privatiser l’eau, au titre des conditions des plans de sauvetage des pays de la zone euro très endettés. En Allemagne, Wasser in Bürgerhand (L’eau aux mains des citoyens) a adressé une lettre ouverte à la chancelière allemande, Angela Merkel, expliquant que la crise sera aggravée par la privatisation de services publics, « c’est pourquoi nous souhaitons recommander au gouvernement fédéral de s’engager dans la protection des services d’eau publique dans l’Europe entière ». Pour les ONG, la Commission européenne « enfreint des articles clés du traité de l’Union européenne qui prévoient sa neutralité concernant le régime de la propriété des services de l’eau ». Elles étudient l’éventualité d’une action judiciaire.

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