Nouvelles glaçantes

Alors que viennent d’être dévoilés certains éléments du prochain rapport du Giec sur le dérèglement climatique, une étude montre que la calotte antarctique ouest fond deux fois plus vite qu’estimé.

Patrick Piro  • 10 janvier 2013 abonné·es

C’est désormais le tour de l’Antarctique… Au cours des derniers mois, la liquéfaction accélérée des glaciers du Groenland et de la banquise estivale de l’Arctique a certes nourri l’actualité du dérèglement climatique. Mais la calotte ouest du continent austral [^2] connaît un sort identique, selon une étude des chercheurs de l’université de l’État d’Ohio (États-Unis), publiée le 24 décembre par la revue Nature Geoscience. D’après leurs calculs, la température moyenne de cette zone de l’Antarctique a augmenté de 2,4 °C depuis 1958, ce qui en fait le point le plus « réchauffé » de la planète avec les régions arctiques.

Les climatologues surveillent les glaciers comme le lait sur le feu : ces écosystèmes réagissent plus immédiatement qu’aucun autre aux variations de températures atmosphériques. En septembre dernier, la superficie de la banquise d’été du pôle Nord atteignait son minimum historique – une réduction de 30 % lors des quatre dernières décennies. Au cours des huit dernières années, les glaciers du Groenland ont perdu annuellement quelque 200 milliards de tonnes. À la grande surprise des chercheurs, cette vitesse de débâcle est deux à cinq fois plus rapide que celle admise il y a à peine dix ans. La fonte des glaciers terrestres serait désormais la principale source de la hausse du niveau des mers (5,5 centimètres en vingt ans), devant la dilatation thermique des eaux. Aussi, l’étude qui vient de paraître, dirigée par David H. Bromwich, est une alarme de plus, et d’importance. L’Antarctique est la plus massive réserve de glace du globe.

S’il n’y a pas à redouter sa fonte totale avant des siècles (si elle survient), il est acquis que certaines zones plus exposées, comme la péninsule Antarctique [^3], perdent de l’épaisseur depuis des années. La situation de l’Antarctique ouest faisait cependant polémique, en raison de lacunes dans les récentes séries de mesures météorologiques. Que les auteurs ont reconstituées minutieusement, pour affirmer que la température s’est accrue deux à trois fois plus que la moyenne planétaire sur un périmètre plus vaste que la France ! Or, les glaces de cette région, rattachées à un socle immergé, sont parmi les plus fragiles du continent austral. Début 2002, la péninsule Antarctique voisine avait ainsi largué en quelques semaines un bout de calotte vaste comme le département du Rhône. Cette section, dite Larsen B, était restée stable au cours des dernières douze mille années. À terme, le démantèlement des glaces de l’Antarctique ouest pourrait entraîner (sur plusieurs siècles peut-être) une hausse d’au moins 3 mètres du niveau des mers du globe. En 2007, les premières évidences d’une accélération de la fonte des glaces avaient allumé une polémique dans le milieu des climatologues, alors que le 4e rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) venait d’être publié : il fut pris lourdement en défaut sur ses prévisions de hausse du niveau des mers, bien trop modérées.

En 2013, la fonte des glaciers constituera l’un des chapitres les plus alarmants du prochain rapport du Giec (le 5e depuis 1988), attendu à partir de septembre. De même que la compilation planétaire des relevés de température, qui montre sans ambiguïtés que toutes les années du XXIe siècle comptent pour les plus chaudes depuis 1901. Autre fâcheuse avancée des scientifiques : parmi les modèles numériques de simulation du climat, dont le raffinement s’est fortement accru depuis cinq ans, les plus fiables s’avèrent être ceux qui annoncent les changements les plus rudes. La publication prochaine de ce rapport ne va pas manquer de susciter, au cours de l’année, un regain de virulence des climato-sceptiques, dont le Giec est la bête noire. Une première escarmouche vient d’avoir lieu à l’occasion d’une fuite partielle : selon l’un des 800 relecteurs volontaires du document, le Groupe s’apprêterait à modérer le rôle des émissions humaines de gaz à effet de serre dans le dérèglement climatique, réhabilitant l’importance des variations de l’activité solaire. Mais plusieurs experts ont déjà dénoncé une interprétation tendancieuse, qui veut apparaître comme la remise en cause de la plus importante conclusion du rapport 2007 du Giec – l’homme est le premier responsable de la dérive du climat.

[^2]: Correspondant aux longitudes du Pacifique central.

[^3]: Au sud du cap Horn.

Écologie
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