À Notre-Dame-des-Landes, la mobilisation mieux enracinée que jamais

Les opposants au projet d’aéroport sortent de l’hiver plus forts et plus nombreux et abordent sereinement les échéances déterminantes du mois d’avril. Reportage.

Erwan Manac'h  • 12 mars 2013
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À Notre-Dame-des-Landes, la mobilisation mieux enracinée que jamais
© Photo : AFP / JEAN-SEBASTIEN EVRARD

La petite cabane installée au bord de la route départementale pour l’accueil des visiteurs enregistre des arrivées quotidiennes. Un « zadiste » se charge des salutations et affiche un large sourire, malgré la pluie et la marée de boue qui submerge les alentours. « Une dizaine de personnes arrivent chaque jour, beaucoup plus le week-end, lance-t-il enthousiaste. Les gens arrivent de toute l’Europe. »

Avec la fin des travaux de la « commission de dialogue » et de la trêve hivernale, le début du mois d’avril pourrait voir relancer les menaces d’expulsion des occupants « illégaux » de la zone visée par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. En attendant, la vie continue de s’organiser sur la «Zad», avec la certitude que ce qui s’est construit ici depuis 2009 sera difficile à détruire.

«Les constructions avancent chaque jour un peu plus»

La mobilisation s’est étoffée depuis la vague de destruction de l’automne. Deux à trois cents occupants ont installé une vingtaine de petits campements sur la zone. Des barricades, dont certaines gardées jour et nuit, sont dressées sur les routes et les chemins gorgés d’eau qui traversent les bois. Aux carrefours stratégiques, les petites équipes de gendarmerie mobiles constamment présentes se contentent de contrôler les passages. Une routine s’est installée et les constructions avancent chaque jour un peu plus.

Les zadistes peuvent aussi compter sur de nombreux amis. Début décembre, une réunion des Comités de soutien rassemblait sur la zad les représentants de 180 comités de soutien dans toute la France. Et le mariage tient, malgré quelques difficultés, entre les paysans locaux opposés à l’aéroport et les occupants venus combattre « l’aéroport et son monde » .

Fin janvier, la ferme Bellevue, désertée par son occupant était réoccupée à son tour par le collectif de paysans « Copain 44 ». La demeure est aujourd’hui encerclée par des dizaines de tracteurs prêtés par les paysans locaux et l’activité y a repris grâce à la solidarité. Des sympathisants se relaient toutes les 24 h pour venir soutenir le jeune paysan qui assure la permanence sur l’exploitation.

L’expulsion immédiate de cette ferme, ordonnée le 28 février, a été différée face à la mobilisation. La préfecture a annoncé le 1er mars qu’elle s’abstiendrait de demander une intervention policière jusqu’à la fin des travaux de la commission de dialogue.

Dans Le Monde daté du samedi 9 mars, le président de la « commission de dialogue », Claude Chéreau, exprimait des doutes sur les arguments des défenseurs du projet d’aéroport, jugeant que « tout dossier qui attend une trentaine d'années perd beaucoup de ses possibilités de conviction » . Une sortie surprenante, pour l’ancien conseiller de Mitterrand, nommé par Matignon en novembre pour calmer le face-à-face explosif sur la « zad », sans toutefois que cela ne remette en question le projet d’aéroport.

Dimanche soir, l’intéressé revenait sur ses déclarations, niant les « doutes », que lui prêtait samedi Le Monde . Il est « tout à fait légitime de songer à un nouvel aéroport dès maintenant, même si la saturation n'est pas encore complètement au rendez-vous [dans l’actuel aéroport Nantes-Atlantique]», lançait-il même sur le plateau de France 3.

« Il se passe quelque chose , assure Frédérique, habitant du village voisin de Vigneux-de-Bretagne concerné lui aussi par le projet d’aéroport. Cette lutte est un symbole de beaucoup de choses… Sur les 30 000 personnes présentes sur la Zad le 17 novembre [durant la grande manifestation de réoccupation] il y avait 30 000 motivations différentes. »

« Le point commun de nos luttes, c’est qu’on les a perdues »

En sortant renforcée de l’hiver qui impose par moment des conditions de vie « épouvantables » sur la zone humide, la coalition des « zadistes », aussi hétéroclite que solidaire, semble aujourd’hui indéracinable, si ce n’est au prix d’un bras de fer politiquement périlleux pour Jean-Marc Ayrault. « Il y a toujours eu des suspicions sur notre capacité à nous installer ici pour longtemps , explique un « zadiste » chargé de l’accueil des journalistes. Mais ils ont compris aujourd’hui que nous sommes venus ici pour y vivre. »

L’occupation est pensée pour durer et avec le répit d’au moins un an et demi obtenu le 29 janvier par la quinzaine de fermes encore en activité, auprès de la cour de cassation, il est désormais certain que les travaux ne pourront pas commencer comme prévu (après report) au printemps.

« Le point commun de toutes les luttes anticapitalistes qu’on a vécu chacun de notre côté, c’est qu’on les a toutes perdues. Cela pourrait se finir différemment ici , raconte un « zadiste ». On commence à réfléchir à comment réoccuper ces terres qui sont en grande partie inoccupées, si l’aéroport était abandonné. »

La date du 13 avril a d’ores et déjà été arrêtée pour un nouveau gros rassemblement de réoccupation des terres agricoles, « sème ta zade », quoi que décide le gouvernement.

Écologie
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