« Queen of Montreuil », de Solveig Anspach : La banlieue enchantée

Avec Queen of Montreuil, Solveig Anspach signe une fantaisie burlesque et accueillante.

Christophe Kantcheff  • 21 mars 2013
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« Queen of Montreuil », de Solveig Anspach : La banlieue enchantée
© **Queen of Montreuil** , Solveig Anspach, 1 h 27.

Quoi de plus propice à la comédie qu’un point de départ a priori lugubre ? Une femme arrive de l’étranger avec son mari mort dans une urne funéraire. Mais la manière dont Agathe (Florence Loiret-Caille) tient l’urne dans ses bras enlève du pathos à la situation. Et quand elle se trouve assise dans une administration à côté d’une Islandaise, Anna (Didda Jonsdottir), et de son grand fils, Ulfur (Ulfur Aegisson), avec lesquels elle entreprend de parler leur langue mystérieuse, les choses deviennent de plus en plus décalées. Le décalage, l’écart avec le réel, le retournement du regard. Voilà ce qui rapproche le burlesque et la poésie, et qui se trouve au cœur de Queen of Montreuil.

Le film précédent de Solveig Anspach, Back Soon, entièrement islandais, avait cette tonalité. Mais, ici, la légèreté prend plus d’ampleur ou, si l’on veut, plus de poids. Peut-être, justement, parce que cette légèreté fantasque, si rare dans le « cinéma d’auteur », mais proche d’un Iosseliani par exemple, prend son assise sur le puits du chagrin qui toujours menace Agathe, mais s’avère antinomique avec la présence d’Anna et d’Ulfur. Ces deux-là sont d’« étranges » Islandais dans les rues de Montreuil, que la cinéaste filme comme une ville harmonieuse et ensoleillée, loin des pauvres clichés de la banlieue. Solveig Anspach, qui croise en elle plusieurs identités, s’amuse à montrer cette ville proche de Paris comme un creuset bien français, avec ses Noirs et ses Arabes. Mais Anna et Ulfur ne sont pas seulement des touristes : ils ont une forte personnalité. Pour fumer de l’herbe et écrire ses poèmes, Anna se réfugie en haut d’une grue en compagnie de son conducteur attendri (Samir Guesmi). Tandis qu’Ulfur fait ami-ami avec un phoque du zoo d’à côté, qui jusque-là déprimait, et qu’il ramène chez Agathe.

La demeure de celle-ci devient dès lors une maison d’accueil, où règnent l’amitié et même, timidement de retour, l’amour. Mais la cinéaste ne cède jamais le pas à la sensiblerie. Elle joue sur tous les ressorts de la comédie, dont le vaudeville, au gré d’une scène qui donne l’occasion à la délicieuse Sophie Quinton de faire une petite visite à ce film hospitalier. Bien entourée par Didda Jonsdottir et Ulfur Aegisson, Florence Loiret-Caille est la comédienne idéale pour jouer la fantaisie jusque dans le deuil, la fragilité associée à la cocasserie. Une actrice dans la lignée de Juliet Berto, avec son monde à elle, qui sert ses personnages.

Cinéma
Temps de lecture : 2 minutes
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