Un programme pour la fin d’un monde

Neuf spécialistes signent un manifeste pour une société où s’articulent richesse, justice sociale et écologie.

Orianne Hidalgo  • 16 mai 2013 abonné·es

Le « durable » possède sa chaire universitaire. Aujourd’hui, il trouve son manifeste. Neuf spécialistes des plus grandes universités anglo-saxonnes se sont associés pour penser l’ensemble d’une société où «   le pouvoir [est réellement] au peuple », selon des « modes de vie durables » promus par une démocratie collaborative. La plupart des idées explorées ne sont certes pas nouvelles, mais ce collectif international et pluridisciplinaire les a réunies et adaptées à la situation d’un monde au bord de l’implosion financière, sociale et écologique. Fondée sur l’équilibre entre capital bâti, humain, social et naturel, cette « économie écologique » refuse la dévotion au PIB, au profit de l’indicateur de progrès véritable (IPV). Les auteurs montrent que la « croissance », pour laquelle les États sacrifient leurs dépenses publiques, s’oppose au principe de développement. Rafistoler le système actuel relèverait davantage de l’utopie, notamment en raison de la disparition imminente des ressources fossiles et de l’accroissement démographique, qui rendent impérative la construction d’un paradigme alternatif.

À l’opposé de l’économie « verte », laquelle adapte l’écologie au libéralisme, cette étude ajuste un système économique aux « limites planétaires ». L’ «   économie écologique » s’appuie sur un système de réformes financières, fiscales, sociales et institutionnelles pariant sur l’interdépendance et l’interconnexion des phénomènes. «   Réduire le recours systématique aux énergies fossiles devrait en toute logique se traduire par un transfert du capital vers le travail […], créer de l’emploi. » La réduction du temps de travail favoriserait la démocratie participative et régulerait la croissance de la consommation matérielle : « En travaillant moins, notre consommation s’oriente vers des produits à faible impact écologique. » Socialiser les bénéfices autant que les coûts de production permettrait de partager équitablement les richesses et de réinvestir dans le bien commun.

Cet ouvrage encourage les initiatives coopératives locales et propose la création de «   fiducies de biens communs » pour les élargir à une échelle internationale. « Chaque État a un rôle à jouer » pour limiter la privatisation, considérée comme une exploitation à outrance «   de certains biens issus de la nature ou de la société […] désormais considérés comme des bien communs ». La force d’un tel programme, c’est qu’il envisage le changement à l’échelle planétaire, à travers un système logique d’influences et d’impacts. Il rappelle aux pays riches leur responsabilité dans l’asphyxie des pays en voie de développement, et au lecteur occidental qu’il possède les ressources pour éviter le chaos prévu pour… 2050.

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