En grève de la faim contre l’austérité et les promesses de croissance

Pierre Larrouturou, du collectif Roosevelt et du PS, s’est mis en grève de la faim devant l’Assemblée nationale, à quelques jours de la deuxième Conférence sociale.

Nina Bontemps-Terry  • 18 juin 2013
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En grève de la faim contre l’austérité et les promesses de croissance

Même s’il fait près de 27°, ils campent devant l’Assemblée nationale. L’économiste et homme politique Pierre Larrouturou poursuit sa grève de la faim entamée dimanche soir, accompagné de deux militants du collectif Roosevelt.

C’est le début de la seconde Conférence sociale, jeudi, qui sonnera la fin de leur diète. Sous leur bannière «  Face à la crise nous avons décidé d’agir  » est installé un «  compteur de chômeurs  » qui indique plus de cinq millions de demandeurs d’emploi. Tous trois auraient bien dormi là, mais ils ont été contraints d’enlever leur tente. Ils sont donc gracieusement hébergés dans un appartement voisin.

S’extirpant du chassé-croisé de députés et assistants parlementaires, certaines personnalités saluent l’économiste. Ainsi, Noël Mamère passe lui serrer la main au travers d’une barrière.  

Dans leur ligne de mire, l’austérité et la sacro-sainte promesse du retour de la croissance. Cette même croissance qui n’a cessé de reculer en cinquante ans, insiste Pierre Larrouturou, diagramme à la main. Reçu trois fois à Matignon les quinze derniers jours, il est lassé de l’ «  aveuglement  » du gouvernement.

«  Les propositions du collectif ne reçoivent aucune critique, remarque-t-il, mais les choses n’avancent pas pour autant. En 1983, Pierre Mauroy et François Mitterrand ont pourtant changé de politique en une semaine  ». 

Surpris par la mobilisation

Certes, ils sont trois à manifester à Paris, mais plus de 1 300 personnes à travers la France ont déclaré jeûner à leur tour en soutien aux trois militants installés place Henri Herriot, devant l’Assemblée. Ils ont d’ailleurs été rejoints hier par Christiane Hessel, veuve du cofondateur du Collectif Stéphane Hessel.

Le collectif prend du grade, et pas qu’auprès des militants. Beaucoup de personnes non politisées rejoignent le mouvement, se félicite Bruno Lamour, l’un des militants en grève de la faim. Il arrive même que des personnes de droite ou des banquiers les soutiennent. «  Les gens sont touchés par ces propositions , déduit-il, ils en ont surtout ras le bol  ».

Preuve que la crise l’emporte sur les clivages. Cette mobilisation ravit Pierre Larrouturou. «  Être citoyen ce n’est pas seulement voter , estime-t-il, c’est surtout agir  ». Puis de citer Vaclav Havel qui, quelques semaines après la chute du mur de Berlin, prononçait ces mots : « Chacun de nous peut changer le monde. Même s’il n’a aucun pouvoir, même s’il n’a pas “la moindre importance“ ».  

Illustration - En grève de la faim contre l'austérité et les promesses de croissance

Le collectif attire une centaine de nouveaux adhérents chaque semaine. Même si pour cela il a parfois dû mener des opérations coup de poing. Fin mai Pierre Larrouturou s’est attiré les foudres du Parti socialiste, qu’il a rejoint de nouveau l’année dernière. Et pour cause puisque chaque mardi, l’économiste a distribué devant l’Assemblée nationale des tracts qui égratignaient la famille socialiste.

Sans surprise, le document n’a pas plu au parti. Associer Pierre Mauroy et Karine Berger à Balladur, Raffarin, Sarkozy et Barre ? Il n’en fallait pas plus au PS pour jeter l’opprobre sur l’économiste embarrassant. Fin mai, le bureau national l’a houspillé comme jamais, selon l’un des participants qui l’a révélé anonymement à Mediapart. Nul doute que le collectif Roosevelt, fort de plus de 100 000 signataires, dérange.

Mais Pierre Larrouturou garde la tête froide. «  On a touché un point sensible, admet-il. Il n’empêche que la semaine suivante, les salariés et permanents du parti m’ont accueilli très chaleureusement, m’ont embrassé et demandé le bouquin  ». L’économiste n’est donc pas si seul qu’il y paraît.

Illustration - En grève de la faim contre l'austérité et les promesses de croissance - Nina Bontemps-Terry

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