Avignon : Un off largement politique

Quatre bons moments dans la manifestation parallèle.

Gilles Costaz  • 18 juillet 2013 abonné·es

L’Américaine Noami Wallace a donné comme sous-titre à sa pièce la Carte du temps  : « Trois visions du Moyen-Orient ». C’est du conflit israélo-palestinien qu’elle parle, d’une manière beaucoup plus orientale qu’occidentale. Déjà jouée à la Comédie-Française pour une pièce qui traitait de la peste à Londres au XVIe siècle, cette Américaine ne joue vraiment aucun des jeux qu’on joue souvent dans son pays. À l’opposé du réalisme brutal, elle pratique le conte, développe la grâce des métaphores et dégage une violence née dans une grande tendresse et rendue inéluctable par l’injustice triomphant de la bonté humaine. Voilà un zoo dont on ne sait s’il a existé et où les souvenirs se fixent étrangement. Voici un anonyme palestinien qui vient discuter avec une aide-soignante, et celle-ci, israélienne, porte en elle les poumons du fils de l’inconnu, abattu par les soldats. Voilà, enfin, un colombophile qui ne jure que par ses pigeons, tués ou partis les uns après les autres, comme les Palestiniens eux-mêmes, persécutés ou éloignés. Cette grande pièce, Roland Timsit a su la mettre en scène sans fièvre assassine, plutôt dans une image troublée, comme l’est le monde sous une brume de chaleur. Tout est beau, mais la tragédie se cache derrière le silence brûlant du moment. David Ayala, Charles Gonzalès, Dominique Hollier, Thibault Mullot, Afida Tahri sont les principaux interprètes de ce spectacle important, dont la douceur blessée est fort proche de celle d’un poète plusieurs fois cité par l’auteur, Mahmoud Darwich (Théâtre des Halles, 16 h 30).

Grand comédien issu de l’école de Patrice Chéreau, Marc Citti tente sa propre évocation du métier théâtral, un peu dans la continuité d’un Philippe Caubère, avec Kiss Richard, qu’il a écrit et joue en solo, mis en scène par Magali Leiris. L’acteur qui est représenté répète Richard III de Shakespeare et se dispute avec une femme metteuse en scène en laquelle on ne reconnaît pas un personnage particulier. Marc Citti joue à la fois le comédien et la personne qui le dirige, en même temps que des moments de la tragédie élisabéthaine. Il ajoute deux chansons de sa composition. Comme le héros, le spectacle boitille. C’est un peu imprécis dans son début, avant de devenir tout à fait saisissant (L’Entrepôt, 13 h 20). La tribu des Ascaride comprend une actrice célèbre, Ariane, un acteur-metteur en scène important, Pierre, et un acteur-écrivain moins connu, Gilles. La notoriété de ce dernier n’a pas suffisamment dépassé le cercle marseillais, auquel il est fondamentalement lié. C’est une histoire des plus marseillaises que Gilles Ascaride nous conte dans J’ai tué Maurice Thorez. Il est mis en scène par le plus grand auteur jamais né près du Vieux-Port, Serge Valletti. Le clan fonctionne ! Dans ce cas-là, c’est pour le bien du théâtre. Gilles Ascaride, en compagnie de son partenaire Gérard Andréani, interprète l’histoire d’un homme convaincu d’avoir provoqué la mort du leader du PCF en maudissant un bateau soviétique réservé aux visiteurs français. La galéjade à ce niveau-là, c’est de l’art (Carmes, 13 h) !

Enfin, place au foot. Italie-Brésil 3-2 de Davide Enia, mis en scène dans une distance chaleureuse par Alexandra Tobelaim, relate la victoire de l’équipe transalpine à la Coupe du monde de 1982. Tout est vu à travers le regard d’un enfant sicilien qui suit le match avec sa famille, dans la fièvre, la superstition et le nationalisme. L’acteur unique, Solal Bouloudnine, est éclatant, à la fois généreux et critique dans son récit endiablé (La Manufacture, 18 h 35).

Théâtre
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