Capitalisme et écologie

Un capitalisme qui serait l’un des piliers d’une économie plurielle.

Jean Gadrey  • 11 juillet 2013 abonné·es

Le capitalisme pose trois problèmes sous l’angle de la sortie de la crise écologique : son rapport aux biens communs naturels, à la monnaie et à la croissance. Le capitalisme s’est développé sur la base (entre autres) de la privatisation de biens naturels « communs », ce qui a conduit à une surexploitation ne se souciant pas du long terme. Cela continue aujourd’hui : conquête des pôles, gaz de schiste, forages en eau profonde, méga-barrages, privatisation de semences et gènes, déforestation massive, accaparement des terres… On ne voit pas comment sortir de la crise écologique sans reprendre le contrôle collectif de ces biens communs, sans les sortir du capitalisme.

Les dirigeants politiques libéraux ont également privatisé la monnaie et le crédit, qui devraient être eux aussi des biens communs, moyennant quoi la finance libéralisée a créé tous les outils d’une spéculation permanente sur tout, y compris sur la nature, d’un endettement privé puis public monstrueux, rendant impossibles les investissements de la transition. On ne s’en sortira pas sans remettre les pouvoirs financiers à des pôles publics ou coopératifs. Enfin, le capitalisme a besoin de croissance perpétuelle de la production et de la consommation, un peu comme une drogue. Il dépense 500 milliards de dollars par an pour injecter dans les « cerveaux humains disponibles » des substances publicitaires hallucinogènes conduisant à des confusions mentales entre le futile et l’utile, le tout au nom de la relance perpétuelle, consubstantielle à son principe d’accumulation. Deux autres drogues interviennent : les énergies fossiles, facteur majeur de croissance et de gains de productivité, et le « libre-échangisme », une idéologie et une pratique de « libre dumping ». Ces trois drogues sont mortelles pour l’environnement. On pourrait retenir la formule d’Edgar Morin : « On ne va pas remplacer le capitalisme par un coup de baguette magique, mais on peut refouler sa zone de domination absolue. » En complétant ainsi : « Afin de mettre hors de sa portée les biens communs vitaux, écologiques mais aussi sociaux (protection sociale, droit du travail, égalité des sexes, etc.). » Le premier refoulement est la « définanciarisation », en liaison avec la mise à mal du pouvoir totalitaire des (grands) actionnaires sur l’économie. Mais cela ne peut suffire. Il faudra d’autres mesures de refoulement, dont la fin des accords dits de libre-échange, qui sont en réalité des accords d’échange inégal et de domination, et des politiques de sauvegarde des biens communs naturels.

On pourrait imaginer à terme un capitalisme qui ne serait plus qu’un des piliers, non dominant, régulé selon des normes sociales et écologiques, d’une économie plurielle, à côté d’autres piliers, publics, coopératif, associatif, indépendant et libéral, avec des tissus locaux de PME, d’artisans, de paysans associés. Mais alors, on ne serait plus dans des économies capitalistes. Et ensuite ? Une extinction du capitalisme peut-elle être pensée ? Des coopératives partout ? Pourquoi pas, mais, d’une part, on entre alors dans une futurologie douteuse, et, d’autre part, tous les modes de production contiennent des survivances des anciens.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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