Kerry sauve la face

Le retour à la table des négociations obtenu par le secrétaire d’État risque une nouvelle fois de constituer un marché de dupes pour les Palestiniens.

Denis Sieffert  • 25 juillet 2013 abonné·es

Le conflit israélo-palestinien ne s’arrête jamais. Mais il arrive parfois que l’on en parle moins. Et ce silence est toujours à l’avantage du colonisateur israélien. Car, tandis que l’actualité attire les projecteurs sur d’autres zones de conflit dans la région, et en premier lieu, bien sûr, en Égypte et en Syrie, la colonisation se poursuit. Les expulsions, les destructions de maisons et de cultures, les déplacements de populations s’intensifient à une cadence rarement connue auparavant. Mais voilà que deux événements de nature très différente attirent de nouveau nos regards. Le premier est essentiellement de caractère juridique. Le document publié le 19 juillet par l’Union européenne n’en frappe pas moins la colonisation au portefeuille. En considérant que « les entités israéliennes établies dans les territoires occupés depuis 1967 » ne sont « pas éligibles aux subventions, prix et instruments financiers » de l’UE, le texte ne vaut pas seulement par lui-même, il constitue aussi un point d’appui pour la campagne pour le boycott des produits venant des colonies. C’est une décision qui doit être relayée par la société civile. On pense évidemment au fameux tramway d’Alsthom, qui relie Jérusalem à certaines colonies. On pense aussi aux accords entre France Télécom-Orange et l’Israélien Partner pour ériger des antennes dans les colonies. Toutes entreprises qui participent aux activités de colonisation. Incontestablement, la recommandation européenne donne des arguments à la société civile.

Le deuxième événement n’en est peut-être pas un. Mais, paradoxe du système médiatique, c’est pourtant celui qui fait parler. Au terme d’interminables palabres, le secrétaire d’État américain John Kerry est surtout parvenu à sauver la face. Il a obtenu du gouvernement israélien et de l’Autorité palestinienne que s’ouvre un nouveau cycle de discussions. Mais on sait, au moins depuis Itzhak Shamir en 1990, que les Israéliens adorent « négocier » à condition que cela n’aboutisse jamais et qu’on ne leur interdise pas de continuer à coloniser pendant ce temps-là.

C’est malheureusement ce qui risque d’arriver cette fois encore. D’autant plus que Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne, a semble-t-il, accepté de reprendre le « dialogue » sans avoir obtenu le gel de la colonisation. « Parvenir à un accord de paix est un projet trop ambitieux », a déjà commenté Youval Steinitz, le ministre israélien chargé des Relations internationales. C’est dire l’état d’esprit qui anime la partie israélienne. Seul élément positif, la promesse arrachée à Israël de libérer quelque 350 prisonniers palestiniens, dont certains sont emprisonnés depuis vingt ans. Toujours est-il que les pourparlers devraient durer près de neuf mois. Le temps qu’il faut pour étendre encore un peu plus les colonies à Jérusalem-Est et dans le prolongement de la ville, et ruiner… l’objet même de la négociation.

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