« La Méthode Arbogast » de Bertrand de la Peine : Grenouilles et loufoque

Avec la Méthode Arbogast, Bertrand de la Peine emprunte avec le sourire au roman d’aventure.

Christophe Kantcheff  • 26 septembre 2013 abonné·es

De tout petits faits peuvent avoir d’importantes conséquences. Ainsi, le personnage principal de la Méthode Arbogast, Valentin Noze, est entraîné de fil en aiguille dans des aventures abracadabrantesques. Qu’on en juge : c’est parce qu’un matin le pain de son petit-déjeuner est trop dur que Valentin, jeune homme tranquille vivant en Belgique, va se retrouver à Madagascar sur la piste d’un trafiquant d’espèces animales protégées, en particulier les Mantellae aurantiaca, des grenouilles qu’on ne trouve que dans la forêt de la Montagne d’Ambre…

Nombreux sont les écrivains qui ont détourné les codes du roman d’aventure. Plusieurs, d’ailleurs, sont publiés par les éditions de Minuit ou sont passés par elles : Antoine Volodine, Jean Echenoz, Patrick Deville… Pour son troisième roman, Bertrand de la Peine emprunte incontestablement au genre. Mais, au lieu de le poser dès les premières pages, l’auteur joue sur un effet de bascule au cours du roman, l’ampleur de l’aventure n’apparaissant que peu à peu. L’incipit atteste d’ailleurs très bien – non sans ironie – de l’anodine et familière situation de départ : « Un chien lève la patte, pisse contre un réverbère, puis repart en trottinant. » Du roman d’aventure, Bertrand de la Peine exploite avant tout la veine populaire, avec notamment un personnage de médecin, Arbogast, qui pourrait sortir d’une bande dessinée de Tardi : pratiquant l’hypnose, il extrait à vif et avec une seringue une substance sédative des fameuses grenouilles, qu’il garde dans un placard secret. La Méthode Arbogast a aussi ce côté loufoque et jouissif qu’on trouve, par exemple, dans l’Homme de Rio, le célèbre film de Philippe de Broca. Valentin est entraîné presque malgré lui dans une course-poursuite athlétique contre les ravisseurs d’une belle jeune fille dont il est tombé amoureux, Sybille, secrétaire du Dr Arbogast et militante clandestine d’une association contre le trafic des animaux protégés. Avec la Méthode Arbogast, Bertrand de la Peine déploie comme jamais sa phrase souple et savante et son imaginaire débridé. Mais il suggère aussi, à demi-mot, que l’existence vaut peut-être d’être vécue à plein régime et portée par de grands sentiments. Ainsi écrit-il à propos de son héros au cœur du danger : « Malgré les épreuves qu’il vient de traverser, il se sent tout simplement vivre pour la première fois de sa vie. »

Littérature
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