« Nous sommes Roms et nous avons les mêmes droits »

Alors que les propos anti-Roms se multiplient jusqu’au ministère de l’Intérieur, Amnesty International publie un rapport dénonçant la situation des Roms en France. Les politiques ne sont pas appliquées, les dispositifs sont insuffisants et inefficaces, et les évacuations contreviennent au droit international.

Ingrid Merckx  • 25 septembre 2013 abonné·es

«Nous sommes roms et nous avons les mêmes droits» , dit l’homme sur la vidéo en ligne sur le site d’Amnesty International. Belle riposte au ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, qui déclarait, le 24 septembre sur France Inter :

« Il n’y a pas d’autres solutions que de démanteler ces campements et de reconduire à la frontière. (…) Il n’y a plus d’appel d’air aujourd’hui. Les populations roms ne viennent plus en France parce qu’elles savent qu’on y mène une politique ferme. (…) Les Roms ont vocation à revenir en Bulgarie et en Roumanie. »

Des propos qu’il a confirmés le lendemain sur BFM :

« Nous ne sommes pas là pour accueillir ces populations. »

Il a ajouté :

« Être de gauche, c’est refuser la misère. Être de gauche, c’est refuser les bidonvilles où s’entassent des familles. (…) Être de gauche, c’est refuser l’exploitation de la misère et de gamins (…) par des mafias. »

Réponse d’Amnesty :

« Les expulsions forcées s’inscrivent dans un contexte de discrimination et d’hostilité envers les populations roms. Cette animosité s’est manifestée récemment par de multiples propos stigmatisants proférés par des responsables politiques et véhiculés dans des articles de presse
calomnieux, mais également lors de plusieurs attaques et agressions par les riverains. »

Le rapport d’Amnesty International s’intitule : « Condamnés à l’errance. Les expulsions forcées des Roms en France ». Il repose sur une enquête menée dans les agglomérations de Lille, Lyon et d’île-de-France, et s’appuie sur des entretiens et des témoignages « d’associations, de collectifs de soutien, d’avocats, d’institutions indépendantes et de personnes roms » .

Extrait du clip d'Amnesty international

Concernant les évacuations, le constat est sans appel :

« Les évacuations sont menées en dépit des normes du droit international qui prévoit que des garanties soient mises en place afin de ne pas rendre les familles sans abri. À l’inverse, les familles continuent d’être expulsées sans avoir été ni informées ni consultées et sans se voir proposer de solutions d’hébergement adaptées ou de relogement. »

Un an après la circulaire interministérielle du 26 août 2012 conditionnant les évacuations à un diagnostic social et des solutions de relogement, Amnesty International « constate que les populations roms migrantes continuent à être chassées de leurs lieux de vie de façon répétitive sans être consultées, informées et relogées de façon adéquate, en infraction avec des engagements internationaux pris par la France » . De plus, ajoute l’organisation, « le double objectif de fermeté et d’humanité affiché par le gouvernement mène parfois à des situations d’incohérence, où les efforts d’accompagnement dispensés sont anéantis par les évacuations à répétition » .

11 982 migrants roms ont été chassés des squats et bidonvilles où ils habitaient en 2012.

En conclusion, Amnesty « regrette le manque de volonté politique du gouvernement et les propos de certains membres du gouvernement qui perpétuent les clichés et attisent les réactions d’animosité et de rejet » .

Et de citer celles de Manuel Valls, qui, en mars 2013 déjà, déclarait :

« Les occupants de campements ne souhaitent pas s’intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles ou parce qu’ils sont entre les mains de réseaux versés dans la mendicité ou la prostitution. »

Les recommandations d’Amnesty International au gouvernement :

*« Mettre en place des garanties effectives contre la pratique des expulsions forcées. Enjoindre aux préfets d’appliquer la circulaire du 26 août 2012 et amender cette dernière afin qu’elle inclue les mesures de protection suivantes :

-S’assurer que personne ne soit rendu sans abri à la suite de toute évacuation de campement informel et proposer des solutions d’hébergement et de relogement convenables à tous les habitants plusieurs jours avant le début de l’opération d’évacuation.

-Interdire les évacuations durant la trêve hivernale.

-S’assurer qu’une véritable consultation ait lieu avec les personnes concernées, et qu’elles puissent elles-mêmes proposer des solutions alternatives.

-S’assurer que les personnes concernées reçoivent des informations suffisantes sur l’opération d’évacuation dans un délai raisonnable.

-Garantir l’accès aux services essentiels de base pour la dignité des personnes habitant dans des campements informels, comme l’approvisionnement en eau, le ramassage des ordures et l’accès à des installations sanitaires suffisantes.

-Garantir l’accès et la continuité des droits à l’éducation et à la santé. »*

À lire :

-Le rapport d’Amnesty International, « Condamnés à l’errance ».

-Les dossiers de Politis : La République bafouée et Quel avenir pour les Roms en France ?

-La tribune du sociologue Didier Fassin dans le Monde : « Roms la vocation de Manuel Valls ».

À voir :

Le reportage vidéo de Politis sur le rassemblement anti-Roms à Décines.

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