Barbara Romagnan, porte-parole d’Un monde d’avance : « Je ne me sens pas trahie, juste déçue »

Porte-parole d’Un monde d’avance, la députée Barbara Romagnan peine à conjuguer loyauté à son parti et fidélité à ses valeurs.

Pauline Graulle  • 3 octobre 2013 abonné·es

Rien à voir avec le prototype de la députée grande gueule. Pire : réfléchie, bosseuse, indépendante, Barbara Romagnan résiste. Elle vote contre le traité européen, s’abstient sur l’accord de sécurisation de l’emploi, monte au créneau pour réduire le train de vie des députés… La majorité grince. L’élue du Doubs persiste. Toujours minoritaire, jamais défaitiste.

Adhérente au Parti socialiste depuis vingt ans, cela fait aussi vingt ans qu’elle y est « mal à l’aise ». Mais « je n’ai jamais regretté d’y avoir pris ma carte, précise-t-elle, accoudée devant un thé à la cafétéria de l’Assemblée nationale, les cheveux ébouriffés par une journée chargée. Je préfère être dans le parti qui a régularisé 80 000 sans-papiers pendant les années Jospin que dans celui qui demande à ce que tous le soient, mais n’arrive jamais au pouvoir ». N’empêche. « L’écartèlement » entre ses valeurs et la politique du gouvernement est de plus en plus douloureux. « Je ne me sens pas trahie, juste très déçue », soupire de sa voix douce et vive la représentante de l’aile gauche du PS. La grande réforme fiscale promise ? Enterrée. Le non-cumul des mandats ? Repoussé à 2017. La réforme des retraites ? « Pour moi, ça ne va pas de soi que l’allongement de la durée de la vie s’accompagne de l’allongement de la durée du travail », pointe celle qui voudrait remettre au centre du débat la réduction du temps de travail, sujet devenu quasi tabou au PS. Quant à la question du droit de vote des étrangers : « Je commence à me sentir gênée auprès d’eux, ça fait trente ans qu’on leur dit qu’on va le faire, et on attend toujours. »

Sa passion pour la politique, Barbara Romagnan la fait remonter à l’enfance. Mélange d’atavisme familial – deux parents au PSU – et de soif de comprendre le monde. « La politique, je croyais que c’était la suite de l’école : on discute, on débat, on apprend des choses… Sur le côté “camarades”, par contre, j’ai un peu révisé ma copie », plaisante-t-elle. De fil en aiguille, l’éternelle déléguée de classe, fan d’Huguette Bouchardeau (candidate PSU à la présidentielle en 1981), devient secrétaire générale de l’Unef à Lyon. À 19 ans, l’étudiante en sciences politiques hésite : « J’aurais pu aller chez les Verts parce que je suis plutôt “deuxième gauche” dans le rapport au pouvoir. » Au Mouvement des jeunes socialistes (MJS) et au PS, elle défend ses marottes : le tiers monde, la réduction du temps de travail, le féminisme. Dans sa thèse [^2], elle démontre, par une analyse fine des questions posées à l’Assemblée nationale durant trente ans, que le genre… ne change rien à l’affaire. Aidée par l’opportunité de « participer à la déco » (sic) dans un PS qui découvre la parité, la rocardienne devient, en 2001, adjointe d’arrondissement au logement et à la démocratie locale à Lyon. Puis elle se « prend une bâche, comme tout le monde », aux législatives de 2002, où elle est, à 27 ans, la plus jeune des candidates socialistes. C’est aussi le temps de l’émancipation. La claque Le Pen, arrivé au deuxième tour de la présidentielle, a changé la donne, remis en cause les figures tutélaires et fait émerger de nouvelles têtes. Intégrée à « la bande » d’Arnaud Montebourg, de Benoît Hamon et de Vincent Peillon, Barbara Romagnan participe, en 2003, à la création du Nouveau Parti socialiste (NPS). « Dans cette période morose, quand Arnaud faisait un meeting, on se marrait… La politique redevenait quelque chose d’exaltant », se souvient-elle. En 2005, le NPS rentre dans le rang. En gage de reconnaissance, Barbara Romagnan est promue secrétaire nationale à la rénovation. L’image est belle, mais « c’était horrible ». Faute de moyens, elle démissionne. Olivier Faure, directeur adjoint du cabinet de Hollande, l’appelle : « Mais pourquoi démissionnes-tu ? Ça ne se fait pas. Et personne ne s’en rendra compte ! »

Entre-temps, la prof de philo a déménagé à Besançon. Elle y commence son implantation locale. Dans un contexte favorable, sa troisième campagne législative sera, enfin, victorieuse. Le 17 juin 2012, elle sable le champagne pour fêter son élection. Le lendemain, elle démissionne de son mandat au conseil général. On est contre le cumul des mandats ou on ne l’est pas… Et depuis ? « Je peine un peu à me sentir utile », avoue celle qui, entre deux allers-retours à Besançon pour s’occuper de sa fille de 4 ans, dort dans son bureau à l’Assemblée nationale. Pas découragée pour autant, elle continue ses combats à coups d’amendements. « Certes, je suis en porte-à-faux avec les dirigeants du PS… Mais sur l’écologie, le féminisme ou le rapport au pouvoir, énormément de militants pensent comme moi », se rassure-t-elle. Pas de compromissions, mais des compromis. «  Sur le fond, j’adhère aux positions de la CGT, sur la façon de faire, je me sens plus proche de la CFDT. » Voilà pourquoi Barbara Romagnan n’a pas rejoint le courant Maintenant à gauche, qui a doublé sur la gauche Un monde d’avance (UMA) l’an dernier. « À UMA, nous voulons rester à l’intérieur pour apporter des améliorations. Peut-être que c’est une erreur, et qu’un jour on s’apercevra qu’on n’a fait que légitimer un gouvernement de plus en plus social-libéral. » La réponse ne devrait pas trop tarder.

[^2]: Du sexe en politique , Jean-Claude Gawsewitch éditeur, 2005.

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